Extrait du journal

LES GrREOS Encore un peuple qui vit sur sa réputa tion qui parle toujours d'indépendance, et qui en est réduit à faire plus ou moins bon ménage avec les princes étrangers à Ja recherche d’un petit trône et d’une pe tite liste civile. Les Grecs sont en ce mo ment, après les Espagnols, le peuple de l’Europe sachant le moins ce qu’il veut, manifestant les plus chaudes aspirations vers la liberté, et se montrant pourtant le moins apte à savoir en profiter. Dans la lutte que l’opposition vient d’en gager contre le Parlement, et qui a, en quelque sorte, tourné à son profit, puisque Je roi a dissous la Chambre et a formé un nouveau ministère, ayant un programme franchement constitutionnel, il est mal aisé de savoir au juste de quel côté sont les premiers torts ; mais, quoi qu’il en soit, on ne peut.pas plus blâmer le peuple grec de n’avoir pas un amour immodéré pour un souverain qui lui est étranger, qu’on ne peut blâmer celui-ci de ne pas avoir tous les ménagements désirables pour des sujets aussi turbulents, et dont le caractère brouillon paralyserait les meilleures intentions. Aussi, n’y a-t-il rien d’étonnant à ce que la Grèce soit tantôt à la veille d’une révolution sanglante, tantôt dans un état d’apaisement complet. C’est aussi un peu une question de climat et de tempérament. Il y a huit jours à peine on affirmait que les évènements les plus graves allaient se produire en Grèce, que le roi était à la veille d’abdiquer, que des escadres étran gères allaient mouiller au Pirée pour être prêtes à toute éventualité. Aujourd’hui il n’est plus question de tout cela : les fameuses escadres russe et turque n’ont point paru dans l’Archipel , l’escadre française a pris la route de Smyrne; le roi Georges se trouve parfaitement bien sur son trône ; le ministère Tricoupis attend 1res pacifiquement les élections générales, et les électeurs continuent à fumer avec la plus parfaite sérénité leurs énormes cigarettes. Nous ne demanderions pas mieux que de croire au rétablissement de la tran quillité en Grèce ; malheureusement trop de gens ont intérêt à la troubler pour qu’elle soit d’une bien longue durée. Il y a d’abord les Grecs qui ne sont pas gens à se tenir tranquilles longtemps, mais il y a aussi une certaine presse étrangère qui semble prendre à tâche d’exagérer les dif ficultés de la situation ; enfin on prétend que M. de Bismark,au cas où le roi Geor ges se déclarerait complètement dégoûté de la grandeur royale, aurait sous la main an prince de Nassau qui ne demanderait pas mieux que de faire le bonheur des Grecs....