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Le Petit Marseillais, 18 septembre 1882

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Le Petit Marseillais
18 septembre 1882


Extrait du journal

intérêts des deux nations. Je ne puis en dire da vantage. Je reviens donc aux questions militaires. Vous êtes une nation riche, et, grâce à vos intarissables ressources, vous avez rapidement reconstitué votre armée Ces dépenses vous coû tent peu, à vous, vous affectez à peine le quart de vos revenus à 1 entretien de l’armée, tandis qu’en Russie cet entretien en absorbe le tiers. Mais j’arrive à ces grandes manœuvres que je viens de suivre. Votre armée est actuellement dans un très bon état Pendant les simulacres d’actions, j’ai pu voir les combinaisons solides de vos généraux et l’exécution correcte de ces combinaisons. Sans doute, on pourrait relever quelques erreurs ; mais quelle armée n’er com met point ? Ce qui m’a surtout frappé, c’est la rapidité des marches et des mouvements sur les ciiamps des manœuvres J’ai voulu cheminer avec vos troupes sur une grande distance e*: j’ai également remarqué qu’elles étaient parfaite ment disciplinées pour la marche . elles obser vent ce que nous appelons la discipline de mar che ; sans laquelle, il faut qu’on le sache, les ré giments se traînent sur des longueurs considéra bles ; ils occupent une espace très grand et les marches se ralentissent ; défaut redoutables si l’on considère qu’à la guerre, prévenir c'est battre; être prévenu, c’est être battu. La vi tesse des mouvements est donc un des pre miers éléments du succès. Rappelez-vous le mot du maréchal de Saxe : « La victoire est dans les jambes.» Cette théorie, toujours vraie.a été mise en pratique par Napoléon Ier, qui est le plus grand homme de guerre qu'on ait jamais vu et qui n a été surpassé par personne.Les Alle mands l’unt copié en 1870. et répété ce qu’il a fait D.— Croyez-vous, mon général, qu’il nous faille encore beaucoup de temps et d’efforts pour posséder une armée forte, capable de nous dé fendre victorieusement ? Le général qui, jusque lâ, s’était promené en me parlant, s’arrêta soudain en face de la table devant laquelle j’étais assis et me dit avec viva cité : Mais cette armée forte, vous l’avez aujour d'hui ; ces dernières manœuvres viennent de le prouver. D.— De sorte, mon général, qu’actuellement nous pourrions entrer en lutte sans téméiitê et avec espoir de succès ? Le général.— Je n’en doute pas; vous avez, je le répété, une armée bien organisée et instruite. D.— Mon général, vous avez bien voulu me dire les qualités de notre armée ; mais vous ne m’avez pas parlé de ses défauts. Pourriez-vous me les faire connaître ? Le général.—J’allais vous les désigner. Pour les saisir, il faut entrer dans le détail dos exercices auxquels j’ai assisté. Ainsi, il m’a paru que vos généraux réglaient trop leurs dispositions par le menu ; ils prévoient trop et, à la guerre, il ne faut pas trop prévoir : c’est encore Napoléon I-?r qui l’a dit, et c’est toujours vrai. Or, vos généraux ar rangent leurs combinaisons avec une minutie un peu excessive, et de la sorte suppriment l’initia tive partielle, qui est la base fondamentale de la tactique moderne, et à laquelle il convient de laisser une grande latitude. J’ai fait une autre remarque. Des irrégularités se présentent partout et sont inévitables ; pour conserver à la manœuvre son caractère rationnel, il faut viser à ce qu’elles soient rectifiées avec rapidité.Pour cela, il faut des arbitres nombreux. Or, j’ai constaté qu’ils faisaient quasi défaut chez vous. Il faudrait pourtan t en avoir beau coup et. à mon avis, au moins un par brigade. Voilà pour la critique ? vous voyez, Monsieur, quelle ne touche pas à des points importants, ni graves. Je ne veux pas terminer cette causerie sans vous dire un mot de vos trains, ce qu’on appelle les impedimenta de l’armée. En 1870. ils étaient très mal organisés; le principe de l’échelonne ment n’était pas appliqué; toute la masse des convois suivait le corps d’armée, allongeant la colonne, aliourdissant sa marche, et privant les troupes de leur liberté d’action. Ce défaut fut cause du ralentissement de la marche de MacMahon sur Metz. Je connais cette campagne de 1870; j’en ai lu la première partie, pour tout ce qui va jusqu’à Sedan, à feu S. M. Alexandre II. Aujourd’hui, la question des convois (trains de combat, trains règlementaires et trains ad ministratifs) est réglée savamment, le principe de l’échelonnement est appliqué dans la plus g. an do perfection. Les progrès sont réels et croyez qu’ils n’ont échappés à personne. Votre armée à des bases solides. Après ces paroles, je me levai pour prendre congé du général, et le remerciai de son extrême bienveillance. Il me serra la main, et je me retirai. J’ai été frappé de la pureté, de la correction et de l’élégance avec laquelle cet éminent homme de guerre s’exprime en notre langue. Pendant cette conversation, M. le général Leer n’a pas cherché une seule fois l’expression : le mot juste et propre s'est toujours trouvé sur ses lèvres. En l’entendant parler, je croyais être en présence d’un Français d'origine, formé par une étude laborieuse de nos meilleurs auteurs....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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