Extrait du journal
Si l'Europe, anxieuse et divisée, suit fièvreusement les événe ments d’Espagne et se dénian-1 de de quoi demain sera fait, | que dire alors de l'Amérique latine, j de cette collection de peuples, de ces dizaines de millions d’hommes qui ne parlent que le castillan et qui, depuis les canaux de la Terre de Feu jusqu'à la riante frontière des ‘deux Californie», n’ont jamais cessé de se glorifier de leur descendance ibéri que ? C’est là, loin du bruit des armes, mais le cœur battant à grands coups, qu’on reçoit les radios quotidiens comme le pain nécessaire à la vie, c’est là que les passions, encore plus (pic citez nous, se mon te.,t à leur paroxysme, que s’exaltent la colère et la pitié. Que fut l’Espagne pour ses filles lointaines ? Mère attentive ou dure, marâtre ? Si le recul des faits pré-1 serve d’un avis partial et incline à! des sentences de sagesse, c’est à l’historien d’en décider. Mais est-ce j toujours l’enfant le plus tendrement J chéri qui garde un souvenir revoitnaissant de la maison paternelle ? i Certains l’ont quittée, l ame en révol te, qui n’y pensent jamais sans qu’une larme ne vienne à leurs pau pières. Cette émotion, cette réminiscence impérieuse, on les devine dans le regard, on les constate dans les conversations, dès qu’il est question, outre Atlantique, de lu patrie ancien ne et vénérée. Chiliens et Boliviens, Mexicains et Guatémaltèques, Argen tins 11 Colombiens, bref tous ces cou sins, du Nord et du Sud, parfois très j différents de mœurs et de génie et i pourtant façonnés dans le même moule originel, tous, depuis plus j d'un siècle affranchis, semblent avoir , oublié les farouches conquistador.» 4e jadis. Ils n'ont de pensées (pie pour leur chère Espagne et, la | sachant en transes pour l’instant, rapprochent leurs cœurs de la patiente. Comment caractériser cet attache ment, libéré de ses liens matériels et cependant si vivace dans sa forme subtile et sentimentale "? Nous ne croyons pas desservir la vérité en le comparant à l’inclination touchante dont les Canadiens Français, bien loin de nos frontières et au mépris •les variations de la politique, n ont jamais cessé de nous faire éprouver le charme et la constance. • Et voici quelques faits à l’appui de nos dires : T "ne grande nouvelle, à la fin de 1028, électrisa les Amériques latines. Alphonse XIII, répondant à un vœu maintes fois porté sur les ma relies j du trône, allait passer l’océan, dé barquer à Buenos-Aires et visiter, j sans se presser, toute l'Amérique du z Sud. Fausse annonce, mais (pii fit I Vibrer des millions de cœurs. Et ! quand Franco, deux ans auparavant, i accrocha son courage à la voûte du > ciel et fit un bond de l’ancien au j nouveau continent, le pilote sans peur, que chacun fêtait comme un ' vrai frère, conquit la gloire compte de toutes les Espagne». Enfin, pendant la campagne Maroc, qui fut dure pour nos voisins et alors que tant de jeunes souslieutenants passaient la mer, d'Algésiros à Conta, pour ne jamais faire le voyage de retour, l'âme des Latins d’Amérique prenait sa part des épreuves de Madrid. On souscrivait, pour les blessés, à Caracas comme à | Santiago ou à Lima. Des infirmières j bénévoles traversaient l’océan. La Légion étrangère — troupe magnifi que. comme la nôtre — recevait des I engagements pour la durée de la i guerre. Voilà, quand on s’aime, * autre chose que des mots. Se pencher sur le passé pour y effarer toute amertume, rester sépa rés depuis plus d’un siècle et se re joindre davantage. telle est la umrmie d'une rare fidélité. Nous dirons d'elle qu’elle honore à la fois ceux qui la témoignent et ceux (pii l’inspi-* rent. Voilà pourquoi, pendant que l’Espagne est en feu et en sang, vingt nations, indignées ou compatissan tes. frémissantes ou désespérées, lèvent les yeux vers Madrid, nu delà îles mers. Madrid est toujours pour elles la vive lumière, l'antique mais éblouissante lumière d’où leur vient aujourd’hui, à cause des haines et des massacres, l’angoisse de penser que retle clarté pourrait s’éteindre, ce phare ne plus rayonner....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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