Extrait du journal

Le duc a pour moi assez d’affection pour que je puisse peser efficacement sur lui de toute mon influence. Du moins je me plais à le croire. N’oubliez donc pas ce que je viens de vous dire, ma fille, et ne craignez pasdo faire appel à mon intervention, le jour où vous la jugerez convenable. Touchée par cette preuve de tendresse, Marthe s’empressa de rassurer la duchesse et ne put que s’applaudir de lui avoir caché la vérité. Mais comme celle contrainte de chaque instant commençait à lui peser, elle en était presque arrivée à considérer ce départ comme une chose nécessaire. Il lui tardait de se retrouver seule, do ne plus feindre, de ne plus se composer un visage, de prendre enfin l’attitude digne qui con venait à sa situation. Et puis elle était à l’âge où l’on a encore un long avenir devant soi et où le cœur se raccroche à la moindre lueur d’espérance. Elle se disait que le duc pouvait lui revenir tôt ou tard, que son amour pour la baronne n’était peut-être qu’un caprice passager, et qu’il lui suffirait d’écouter un Jour les cris de sa conscience pour rentrer aussitôt dans le chemin du devoir. Elle comptait aussi un peu sur les conséquences de cette vie en commun, fie ce contact journalier, de ces tête-à-tête do peu de durée, mais fréquents, qu’elle avait avec le duc à Paris, et que la présence constante de son père et de la duchesse rendait presque impossibles à Vlllepreux. C’est dans ces dispositions d’esprit qu’elle prit congé dos siens, non sans de vives appréhensions, comme si elle avait eu le pressentiment d’une catastrophe prochaine. Mais elle eut la force de refouler ses larmes en leur disant au revoir, et ce fût de son air le plus affable qu’elle prit congé du comte ae Portrieux accouru une dernière...