Extrait du journal

On nous écrit d’Alger, le 2i février : Cette année se présente, pour l’Algérie, sous les plus fâcheux auspices. C’est, en perspec tive, la sécheresse avec tout son cortège habi tuel de misères et de désolations. L’hiver a été, pour les touristes et les étrangers, mer veilleusement beau, sec et ensoleillé, plutôt chaud, les plantes vertes dans tout leur éclat, les autres bourgeonnant ou fleurissant déjà,on se croirait en plein mois d’avril de France. Nous allons malheureusement ressentir le contre-coup de cette température si douce et si clémente aux habitants des villes.Nos hivers sont habituellement beaux et chauds,c’est vrai, puisque sur le littoral le thermomètre ne des cend jamais au-dessous de dix degrés au-des sus de zéro ; mais les pluies qui fécondent nos campagnes ne tombent que pendant cette sai son, c’est-à-dire d’octobre à avril, et cette année il en est tombé si peu I Vers le milieu d’octobre et au commence ment de novembre, il a plu un peu, juste, aurait-on dit, pour permettre de labourer. On a profité, en effet, partout do ces quelques pluies pour assurer les labours et préparer les semailles. On espérait que de nouvelles aver ses viendraient ensuite pour féconder celles-ci et rafraîchir la terre. C’est, au contraire, le soleil qui est apparu sans aucun nuage pour le voiler ou l’empê cher de sécher le sol, déjà si peu humecté. Sur une certaine partie du territoire, dans la Mitidja et notamment aux environs de Bougie, les nuits du mois de décembre ont été un peu fraîches ; il a même quelque peu neigé sur certains points. Cette neige a, dans une cer taine mesure, remédié au mal et fait naître quelques espérances. Elle a maintenu une petite humidité autour des plantes et a provoqué quelques pousses d’herbages, en reculant d’autant la sécheresse. Mais, depuis, le soleil persistant et un beau ciel toujours sans nuage ont accentué, en l’aggravant, la situation. Sur tous nos hauts plateaux, dans la province de Constantine et d’Alger,le sol est aride et sec comme après une saison d’été; la plupart des sources sont pres que taries et on peut prévoir la date, très rapprochée, où elles ne donneront plus d’eau du tout. Un grand nombre de barrages construits, on le comprend, dans le but de fournir des irriga tions pendant l’été, ne contiendront plus une goutte d’eau avant un mois et par conséquent seront à sec pendant toute la saison estivale, époque où ils sont habituellement utilisés. Les fourrages sont, à l’heure qu’il est, sur los hauts plateaux â un prix exorbitant, les pâtu rages n’existant pour ainsi plus. Aussi le prix des moutons est-il tombé si bas qu’on ose à peine le dire pour ne pas être taxé d’exagéra tion ; on cite des troupeaux vendus à raison d’un franc par tête. L’orge valait, il y a huit jours, 1 fr. 75 le double décalitre, soit 14 fr. environ le quintal et le prix va hausser rapidement encore. Par contre, de même que pour les troupeaux, le prix des chevaux s’avilit tous les jours. La récolte des céréales est donc compromise presque sur toute la surface de la colonie. Quant à la vigne, elle bourgeonne déjà par tout. Si la sécheresse actuelle persiste, il est probable que nos vendanges s'en ressentiront...