Extrait du journal

plus la souriante caresse de jadis. Ils sont pleins de réflexion, et souvent amortis par la mélancolie. Le mariage de Roger n’a pas été heureux. Lucie l’aime et il aime Lucie. Mais sur eux pèse encore la fatalité du drame qui rendit tragiques leurs fiançailles. Comment oublier la mort affreuse de l’armateur F*aul Vauthier, tombé — peut-être volontairement — sous les roues d’un train en marche ? Com ment oublier la rumeur publique, qui dut le pousser au suicide, et suivant laquelle il au rait provoqué la catastrophe de son navire, la Coquette-Lucie, incendié en mer ? La jeune femme garde, en sa nature débile, * l'empreinte d'effroyables émotions. Sa rai son n’est pas revenue en toute plénitude de puis la crise de démence qui suivit sa fièvre cérébrale. Son mari n’a pas trouvé en elle la compagne espérée. Faible d’esprit et de corps, elle ire peut s’associer à l’activité in tellectuelle et matérielle de ce grand travail leur. Malgré sa féminine bonté, elle ne sait pas l’aider utilement dans sa sollicitude pour la population ouvrière. Car elle ne conçoit que le don immédiat, la sympathie démons trative, la charité, tandis que Bertelin fils échafaude tout un plan pour faire participer ses ouvriers aux bénéfices.Il prépare de nou velles conditions de salaire, de propriété, de travail. Il veut, autant que possible, éliminer l’aumône, toujours capricieuse, humiliante, insuffisante. C’est pour lui une douleur de ne pouvoir faire partager à sa femme les idées qui lui sont chères. Mais ce n’est pas la seule déception amenée par son mariage. Il craint de renoncer forcément pour jamais à l’espoir d’être père. Les médecins lui ont conseillé d’attendre que Lucie soit dans un état de santé plus favorable. Et l’améliora tion prédite ne se réalise pas. Au point de vue mental surtout, l’épreuve de la maternité peut être funeste. Les années passent sans que les hommes de science osent changer leur diagnostic....