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Le Petit Marseillais, 27 septembre 1914

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Le Petit Marseillais
27 septembre 1914


Extrait du journal

C’est la préoccupation des mères, dans la foule des braves gens qui ne sont pas au courant du service en campagne. — Où couchent-ils ? Pour peu que le beau temps cède à quel que bourrasque, avec rafales de pluie, plus impressionnantes la nuit, nos mères de fa mille se lamentent sur le sort des enfants qui sont là-bas. — Où couchent-ils ? Bien entendu, les questionneuses naïves trouvent des savantes pour les renseigner. Et comment ! Celles-ci affirment que chaque soldat emporte avec lui sa tente et un assortiment de piquets pour établir chaque soir son abri en toile. Celles-là sont persuadées que toutes les nuits d’une guerre, hiver comme été, les armées les passent à la belle étoile, ce qui est une manière de parler, car les étoiles ne sont pas de toutes les nuits. Mais enfin, pour celles-là, les mili taires qui font la guerre ne connaissent que le bivouac. Rassurons de légitimes inquiétudes. La tente-abri, que le soldat emportait avec ses piquets au temps jadis, a disparu de l’atti rail militaire depuis que les armées sont devenues des fourmilières humaines. On en voit encore se dresser, le soir, et consti tuer le camp traditionnel, au cours des ex péditions coloniales, à travers des contrées désertiques, où le combattant doit tout amener sur son dos. Mais en Europe, il a fallu trouver autre chose. Aussi, depuis un demi-siècle déjà, le cantonnement dans les villages a-t-il succédé au campement sous les tentes. L’innovation est essentiellement allemande, il faut le dire. Même que nos chefs, long temps, n’en voulurent pas entendre parler. Il en était encore ainsi en 1870, où les pra tiques de la guerre d’Afrique étaient en honneur, souvent au préjudice de la pru dence et du bien-être des hommes. Aujourd’hui, Allemands et Français, où qu’ils se trouvent affrontés, passent la nuit, autant que possible, dans des maisons ha bitées, dans des granges, écuries, viables, greniers, fabriques, bref partout où le com mandement a su découvrir des logements suffisants pour tout son monde. M+‘& Le problème est ardu. Comment, et où loger des hommes par centaines de mille ? On y parvient, pourtant ; il le faut bien. Le simple bon sens n’indique-t-il pas que, si les soldats restaient exposés aux intem péries pendant toutes les nuits, ne serait-ce qu’une semaine, des maladies graves s’en suivraient, sans parler de l’impuissance physique à laquelle seraient vite réduits des hommes privés d’un sommeil répara teur, qui ne se prend que dans un endroit clos et couvert ? Au temps des armées moins nombreuses, les camps de toile étaient terriblement pernicieux. C’est un chapitre important du règlement sur le service en campagne ; on y recom mande aux chefs de corps de choisir avec le plus grand soin les cantonnementsabris, dans la mesure du possible. Il ne faudrait pas croire que le bivouac fût supprimé. Il subsiste chaque soir pour une part de l’effectif, destinée à veiller ail repos des autres parts ; il subsiste quand les adversaires sont trop près l’un de l’au tre ; on ne peut, en ce cas, songer à faire (lu cantonnement. Mais, ainsi que l’a écrit le général Dufour, le cantonnement c’est la manière habituelle de loger les soldats ; le bivouac est l’exception. Le cantonnement, c’est la nuit dans la paille, ou dans un lit, ou sur des planches, mais toujours sous un toit. Le bivouac, c’est le plein air, comme au vieux temps ; il ne disparaîtra qu’avec la guerre. Les troupes adverses auront toujours pour pre mier devoir de se surveiller la nuit, par fractions plus ou moins importantes, tan dis que les gros se reposent au chaud. Sans doute le cantonnement présente des inconvénients, dont le plus grave est la dis persion des troupes dans plusieurs villa ges. On doit tout faire pour atténuer cet éparpillement. On choisit autant que pos sible des centres agricoles où le régiment, la brigade, la division puissent être logés, en groupe homogène. A l’occasion, le cantonnement est mixte ; un gros village, une petite ville seront oc cupés par la majeure partie de la troupe ; l’autre bivouaquera auprès des maisons, montant la garde autour des camarades qui dorment cette nuit-là. Les Allemands appellent c<*te formation le camj) de loca lité. «4» La capacité des moindres bourgades est fixée depuis longtemps sur le papier. Les chefs d’étapes ont, pour les guider à la re cherche du cantonnement quotidien, un travail soigneusement tenu à jour. En principe, on préfère, pour le loge ment des troupes, la commune agricole à la commune viticole, à cause de ses gran ges et autres locaux spacieux. Les villes sont écartées, sauf exception ; leurs capa cités de logement sont moindres que celles des campagnes. D’après les calculs établis par l’état-ma jor général, un village de 750 habitants peut recevoir, s’il est agricole, 3.525 hom mes et 270 chevaux, 3.000 hommes en chif fres ronds, pour tenir compte de la place supplémentaire réservée aux officiers, aux comptables et aux services généraux du corps cantonné. Bien entendu, le village où la troupe can tonne est surveillé, comme tous ceux du voisinage qui ont aussi des soldats, par la grand’garde dont l’importance varie avec celle de la troupe à protéger dans son som meil. Le règlement dit que les habitants ne peuvent être délogés de la chambre ou du lit où ils ont l’habitude de coucher. Que...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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