Extrait du journal
Au moment où j’écris, Paris n’est plus Paris, c’est Venise moins les gondoles. Les rues sont transformées en canaux ; des nappes d’eau s’étendent partout ; on ne saurait établir aucune comparaison entre cette inondation et celle de 187@ ;.lé désastre est, cette fois, sans précédent. Et cela est curieux. Cela est curieux étant donnés notre or gueil et l’outrecuidance avec laquelle nous proclamons les progrès de la science et la supériorité de notre siècle sur tous les siècles passés. Voilà une Alerté qu’on peut dire tombée dans l’eau. J’entends bien que des audacieux se mettent à voler et qu’ils se rompent le cou à la plus grande admiration des bourgeois, qui s’imaginent qu’ils pour ront tous en faire autant, ce qui d’ail leurs ne leur servira absolument à rien. Cependant, en attendant que nous puis sions traverser les airs, nous nous effon drons dans les flots. Une voyante, qui me fait l’honneur de m'écrire quelquefois, me rappelle qu’elle m’avait prédit que Paris périrait par l’eau. J’avais fait la sourde oreille, et je la fais encore pour deux raisons. D’abord parce que je ne le crois tout de même pas ; ensuite, parce que je n’y pourrais rien, ni malheureusement personne. Nous savons beaucoup de choses ; mais les forces de la nature en savent encore plus que nous et se rient de nos préten tions à les dominer. Ces grandes catas trophes devraient nous rappeler à un peu de modestie, si nous en étions capables. Croyez qu’il n’en sera rien, l’homme étant resté aussi vaniteux qu’il le fut avant le déluge et du temps de Sodome et Gomorrhe. La comète donnerait à son astre le suprême coup de queue, qu’il se dresserait encore comme un coq sur ses ergots et, dans son dernier soupir, sc proclamerait le monarque de l’univers. Ce monarque est aujourd’hui singu lièrement embourbé. Il fait vraiment piteuse figure de souverain. Tout en pataugeant dans sa capitale noyée, il s’ef fraie de ce qui va lui arriver demain. Demain les eaux se retireront, cela est entendu, et la colombe de l’arche est déjà rentrée, portant dans son bec un arrêté du préfet de police. Seulement, tout ne sera pas fini là. Deux conséquen ces sont envisagées, plus terribles que le fléau lui-même. C’est d’abord l’épidémie menaçante. On redoute qu’elle ne sorte du séjour de toute cette boue, de ces invasions d’égouts, de ces mares pestilentielles et que tous les désinfectants ne suif iront pas à nous en préserver. Puis il y a l’effondrement des mai sons. On a si bien travaillé le sous-sol et percé la ville comme une écumoire que, à la première secousse, les édifices ris quent de s’y plonger. C’est peut-être là ce qu’a voulu dire ma voyante quand elle a parlé de la disparition de Paris....
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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