Extrait du journal

Juliette flamboyait au fond de son souvenir. Debout dans l'allée redevenue noire,ayant jeté l’allumette éteinte, il gardait à la main le" pa pier et croyait distinguer encore les mots, — plus oppressants par l’évocation du passé que par la menace pour le lendemain. Juliette... morte ! Elle n’existait plus, cette créature d’insouciance et de passion naïve, qui, dans son emportement de si délicieuse tendresse, lui avait jadis donné ses lèvres, et peut-être tout son cœur, sans que ses vingt ans à lui-même eussent le courage de refuser le don ou d’en prévoir les conséquences Lui, l’avoir séduite ?... L’idée le fit sourire, tandis qü’une émotion de reconnaissance gonfla sa poitrine au souvenir de l’offrande spontanée, presque chaste par la fatalité du sentiment irrésistible, que cette jolie fille du peuple, instinctive et ignorante, lui avait faite de sa personne. 11 sortait alors de l’Ecole polytechnique et suivait à Paris les cours de l’Ecole des mines. C’étaient les années de quartier Latin, le bon temps. L'attrait des jours enfuis parait d'un charme incomparable cette époque de son existence. L’image de Juliette y surgissait avec une suavité que les années n'effaçaient pas. Quels remords n’avait-il pas éprouvés quand, après une liaison de quelques semai nes, il avait appris que, pour lui appartenir, la jeune fille avait rompu d’honnêtes fian çailles avec un brave garçon de sa caste, dé solé ses parents,détruit tout un avenir d’hum ble bonheur. Il avait essayé de réparer le mal. S’étant assuré que le fiancé trahi était ■rèt au pardon, qu’il ouvrirait ses bras à l’inndèle et consentirait encore à lui donner son nom, si elle se repentait, si elle revenait à lui, Roger eut le courage de s’arracher à un amour auquel il ne pouvait répondre de façon entière et loyale. Juliette, comme maîtresse, lui plaisait infiniment. EUe était trop loin de lui par 1 éducation, par la situation sociale, potti qu il fit d elle sa femme. Il 1» Quitta avec une résolution violente et...