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Le Petit Marseillais, 9 mars 1888

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Le Petit Marseillais
9 mars 1888


Extrait du journal

lui montre avec orgueil un massif de roses admirables : — Que pensez-vous de ma collection, Mon sieur ? — Elle est splendide; mais je suis forcé de vous avouer que la mienne est plus belle en core. Je m’appelle M. Legrand et j’habite le numéro 13 de la rue de la Roquette. Veuillez me faire l’honneur de venir demain et vous jugerez vous-même si c’est à vos roses ou aux miennes que revient la palme. Nodier accepte. Le voici, rue de la Roquette, devant une petite maison discrète et basse avec des touffes de clématites odorantes et des tuiles roses où trottinent des pigeons blancs. A l’in térieur les sons harmonieux d'une flûte. U sonne. La musique cesse et, le sourire aux lèvres, les deux mains tendues, le bourgeois de la veille fait fête à l’auteur de La Fée aux Miettes. — Mais elle est charmante, votre retraite, cher monsieur Legrand. Et vos roses blanches ? où sont vos roses ? J’ai hâte de les voir... — Les voici ! dit le petit rentier en introdui sant l'académicien dans un jardin plein de fleurs et de parfums. Nodier vit les roses de M. Legrand et s’avoua vaincu. En faisant le toûr du jardin, il remar que tout à coup dans une sorte de serre une rangée d’admirables lauriers roses qui faisaient comme un rideau de fleurs à je ne sais quelle machine bizarre, toute chargée de pots de ré séda et de verveines. — Je n’ai jamais vu d’avssi belles fleurs que les vôtres, dit amicalement Nodier en prenant congé de M. Legrand. Quelle vie calme et douce vous devez mener dans ce sanctuaire de par fums ! vous êtes un homme heureux, cher monsieur Legrand ! Les deux amis se quittent en se promettant de se revoir bientôt. Trois ou quatre jours après cette entrevue. Charles Nodier se promenait sur le boulevard du Temple au bras d’un magistrat de ses amis. L’amateur de roses de la rue de la Roquette venant à passer, échange avec l’académicien un salut amical. — Mais qui donc saluez-vous ?... demande le magistrat surpris. — C’est un M. Legrand dont j’ai fait la con naissance, au jardin du Luxembourg. Il habite une maison charmante, rue de la Roquette, et cultive les plus belles roses que j’aie jamais vues. — Et il coupe aussi les têtes! ajoute le magis trat d’une voix grave. Votre ami Legrand n’est autre que « Monsieur de Paris». — Comment! c’est le bourreau?... — Lui-même. Je l’ai vu à l’œuvre. — Ah ! je m’explique maintenant cette ma chine bizarre que j’ai aperçue derrière les lau riers roses... — C’était la guillotine f Charles Nodier ne revint plus au jardin du Luxembourg et il cessa d’aimer les roses blan ches qui, depuis cette aventure,lui faisaient tou jours l’effet de roses rouges. FULBERT-DUMONTEIL....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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