Extrait du journal

A neuf ans, l’enfant suivait les cours du lycée de Lyon, et à seize ans il achevait ses études. G était le temps où l'esprit français renouvelait toutes ses méthodes et brisait toutes ses entraves. C’était le temps où notre jeunesse, à peine convalescente des langueurs doberman et de la maladie de René, s’enivrait à cette large coupe qui, des lèvres de Gœthe et de Bvron, passait dans les mains de Victor Hugo, de Lamartine et de Musset. Dévoré du besoin de savoir, brûlant des sombres ardeurs des écoles d’Allemagne, déclamant sur sa route le monologue de Faust et les stances désespérées de Manfred, Jules Favre quitta sa famille et vint à Paris. Pour le connaître et pour le juger dans tout le reste de sa vie, il faut lire le récit qu’il a laissé de ces premières aimées de jeunesse; de ces journées, commencées à cinq heures, à la lueur de la lampe matinale, dans sa petite chambre du pays latin ; partagées par un règlement inflexible entre le travail, les bibliothèques elles cours; tourmentées par mille tentations toujours vaincues; sevrées même des plus honnêtes plaisirs; et traversées seulement par ces grands coups de lumière qui, à la voix des Guizot, des Viilemaiu, des Cousin, des Ampère et des Gay-Lussac, allaient éclairer, au fond de cette âme solitaire, les horizons lointains de l’histoire, les cimes les plus ardues de la philosophie et les secrets les plus cachés de la science....