Extrait du journal
Fallait-il juger l'homme sans visage que la cour d'assises de l'Oise vient de con damner à cinq ans de réclusion ? Je n'en sais rien. Mais la loi est la loi. L'homme avait assassiné. L'homme, avant de se faire sau ter la moitié de la tête, avait tué un homme, une femme. Tout assassin doit comparaître devant la justice, qui n'a pas à se préoccuper du physique des accusés, qui ne doit connaître que le crime et le code. La loi est la loi. Mais l'assassin s'était déjà jugé. Mais l'assassin s'était con damné lui-même et exécuté. Mais l'assas sin, qui n'a pas eu la chance de mourir, s'était lui-même supplicié. Son atroce sup plice durera ce que dureront ses jours d'épouvante et de hideur. Est-ce que la justice avait encore des droits sur ce monstre qui n'est plus un homme, qui n'est plus rien en ce monde ? La justice doit juger les hommes. Doit elle juger les ombres, les spectres, les plaies ? Et quelle dérision de condamner à cinq ans de réclusion une loque saignante et muette pour laquelle il ne peut plus y avoir ici-bas ni liberté, ni prison, ni châ timent, ni rémission. C'est la justice, c'est la loi. Cest bien ce qui fait parfois la misère de la justice : c'est qu'elle est elle-même plus étroitement emprisonnée que les cou pables qu'elle condamne. Cest qu'elle est elle-même enchaînée. Le code, la procé dure, la forme, la loi lui ont passé les menottes, et c'est devant une justice pri sonnière que défilent les prisonniers. Pas de liberté pour la justice qui vit courbée derrière les articles du code comme derrière les barreaux d'une cage. Pas d'initiative pour la justice dont la rigueur et la faiblesse sont également mécaniques. Le forçat au bagne n'est qu'un numéro. La justice elle-même n'est qu'une succession de numéros : article 84, article 123, article 615, article 330. Libre, la justice n'aurait peut-être pas voulu juger ce masque d'épouvante, ce supplicié que deux gendarmes, eux-mêmes remplis d'effroi, gardaient en détournant la tête. Libre, en tout cas, elle n'aurait pas voulu juger publiquement ce fantôme...
À propos
Le Petit Parisien est un grand quotidien français, publié entre 1876 et 1944. Il était l’un des principaux journaux sous la Troisième République.
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