Extrait du journal
Belgrade ! le dragon victorieux qui, tournant le dos aux comitadjis, leur fait avec sa queue de petits signes narquois. Que voyons-nous ici ? Un miracle. Ce n'est pas si vieux, souvenons nous. Belgrade : une rue qui, des champs, aboutissait rapidement à un petit parc appelé Kalimegdan, lequel s'arrêtait court, les pieds dans l'eau de la Save. Et quelle rue î Une rue pour pénitents condamnés à marcher déchaussés sur des cailloux tranchants. C'était Belgrade : un bourg sur une langue de terre entre deux fleuves. Le palais du roi n'était même pas achevé, il lui manquait tout un côté. Un hôtel, cependant, venait d'être construit : l'hôtel de Moscou ; cinq étages au moins et un café dans le bas, un café comme en Europe ! C'était si beau que les bœufs eux-mêmes, couchés tout le jour sur le trottoir d'en face, de temps en temps, ensemble, en meuglaient d'admiration. Il y avait peut-être bien cinquante mille habitante à cette époque-là, qui se situe vers 1914. Puis ce fut 1915, septembre. Les trains, déjà, n'y allaient plus, ils s'arrêtaient à Topchider. Le bel hôtel était fermé. Evacuée, la petite capi tale du petit royaume des Serbes n'en paraissait pas plus grande. J'ai encore sa solitude dans les yeux et son silence dans les oreilles. Elle semblait si peu de chose que, pour la soustraire au bombardement des Allemands, j'invi tais les autres correspondants de guerre, mes frères, à la ficeler solide ment, à la charger tour à tour sur nos dos et à l'emporter loin de la Save et du Danube. Ce ne fut qu'une bonne intention, le bourg mort resta au bord de ses fleuves. Volant de l'autre rive par-dessus les eaux, les obus ennemis trouaient ses pauvres rues et décoif faient ses pauvres maisons. Sous un coup bien nlacé, le clocher de son église s'inclinait. Les derniers oiseaux s'envolaient du Kalimegdan. Un chien appelait au secours. Des affiches à moitié collées avaient bien annoncé que tout le monde devait s'en aller, mais ces affiches étaient placées trop haut et le chien n'avait pu les lire... Et comme dans un puits on jette un caillou quand vraiment on ne sait plus quoi faire, une lettre jetée dans le trou de la poste abandonnée. La nuit tombant. Plus une lutoière, plus un soupir. Sur les pavés, mes pas son "* liant la fuite. Telle était l'image qui me restait de Belgrade....
À propos
Le Petit Parisien est un grand quotidien français, publié entre 1876 et 1944. Il était l’un des principaux journaux sous la Troisième République.
En savoir plus Données de classification - dreiser
- robert
- jean houyet
- briand
- taudière
- bergery
- maupassant
- pierre
- dalimier
- julien durand
- belgrade
- save
- france
- danube
- paris
- allemagne
- melun
- le danube
- chantilly
- berlin
- quai d'orsay
- sénat
- exposition coloniale
- taittinger
- racing-club de france
- grand prix
- la république
- république française
- i.e