Extrait du journal

Cette année, le grand concours tragiicomique aurait été papticulièrement brillant, et, à ce sujet, on nous fait remarquer que les candidats à l'art dramatique augmentent chaque année. Encore ignore-t-on tous ceux qui rêvent de s'y consacrer et que tourmente la vocation du théâtre, car il n'en est pas, paraît-il, de plus impérieuse que cellelà. Il ne faut point s'en étonner. Quelle carrière, en effet, en dépit de la concurrence et des difficultés, offre aujourd'hui plus d'attraits aux courtisans de la gloire que celle du comédien ? Qui donc plus que lui a bénéficié de la destruction de toutes les Bastilles réelles ou morales ? C'est peu de dire qu'il est désormais, à l'abri des sots préjugés et que la bourgeoisie, autrefois méprisante à son égard, met, -de nos jours, sa vanité à l'accueillir : notre époque lui appartient, il en est le triomphateur, l'autocrate et, plus encore, l'incarnation, le symbole ; il est l'image même, poussée à l'intense, de l'homme moderne, chez qui s'exaspère le désir de paraître. A lui toutes les flatteries, tous les succès, dès qu'il est en vedette. La critique est dure quelquefois, et souvent même, pour l'auteur dramatique, mais elle réserve toutes ses grâces et tous ses sourires à l'interprète. Tout ce qui émane de lui passionne le public, et, chaque jour, la presse embouche en son honneur toutes les trompettes de la réclame. En vain chercheriez-vous en France un savant dont la notoriété puisse se comparer à celle de Sarah Bcrnhardt, de Coquelin ou de MounetSully. Dans la société, dans les salons bourgeois, de qui parle-t-on ? Encore de lui. Enfin, i,l n'est pas de carrière où la vanité humaine s'enfle et se r congestionne à ce point. D'où tant de vocations irrésistibles, tant d'élèves au Conservatoire. ¿¡...