Extrait du journal

Et toi, vieux grenadier, qui regardes la terre, Car la terre te dit: — « Salut, mon militaire 1 Je sais ta gloire et tes revers ; Et du Nil jusqu'aux bords que le Kosak gouverne Je t'ai vu promener, trente ans, dans ta giberne Les lourds destins de l'univers. Berthollet, Manuel, foudres de la parole; Mirabeau qui tordais dans ta sombre hyperbole Un siècle grand et radieux; Jean-Jacques que vivant souillait la calomnie,Carnot, Cuvier, David, vous tous que le génie Et la mort ont fait dieux ! Toi, la plus glorieuse entre tes sœurs jumelles, Mère sainte et féconde aux puissantes mamelles, Qui fis tant d'enfans surhumains, O patrie! à nous tous majesté souveraine, Qui dédaignes le sceptre et qui, sans être reine, As des couronnes plein les mains t Histoire, au front penché, fille laborieuse,' A qui ces derniers temps de gloire sérieuse Ont dicté tant d'événemens, Que l'éclat de ce siècle a lassé ta paupière . Et que toute autre main que cette main de pierre Retomberait sans mouvemens! Et toi, femme si belle en ta mâle énergie, O ma jeune maîtresse au bonnet de Phrygie, O liberté de tous les temps !. Toi qui foulée aux pieds comme une fleur sous l'herbe, Relèves vers le ciel un front toujours superbe Et qui semblés dire : J'attends ! L'on sent, à voir tes bras, qu'en un jour séculaire, Quand tu saisis aux crins le lion populaire - Et le lâches, beau de courroux, Quand râle le tocsin do la guerre civile, Tu fais en un seul cri rugir toute une ville, Comme aux trois jours: — souvenez-vous I J'aime aussi, dans le fond, ces studieuses têtes, Ces enfans élevés au bruit de nos tempêtes Pour le siècle qui va venir; C est encore une idée étourdissante et juste D'avoir mis aux .trois bouts de ce triangle auguste Tout le passé, tout l'avenir....