Extrait du journal
Sans exagérer la gravité des incidents aux quels la grève des terrassiers a donné lieu, il est certain que Paris n'avait pas vu, depuis de longues années, ses rues troublées par des scènes de désordre et de violences pareilles à celles qui se sont produites aux quais de la Villette. Plusieurs centaines de grévistes se sont rués sur une ligne d'agents de police.qui leur barraient la route, et, si ces agents n'a vaient pas dégainé, ils étaient acculés et jetés dans le canal. L'un d'eux, grièvement blessé, a failli être assommé, et, de leur côté, les terrassiers ont -eu deux hommes atteints sérieusement. Plus de cinquante chantiers de terrassements ont été visités par les grévistes) qui ont dispersé les travailleurs, emporté les outils ou même jeté dans la Seine les pelles et les pioches de leurs camarades. Le nombre des grévistes dépasse 8,000, et il est, paralt-il, en voie de s'augmenter. La décision du Conseil municipal refusant à la grève les subsides réclamés par MM. Vail lant et Chabert ne peut qu'être louée. La sub vention aux verriers était une faute grave. Le refus opposé aux terrassiers la corrige à demi. Désormais la Ville se tiendra en dehors des conflits entre patrons et ouvriers, elle n'inter viendra en faveur d'aucun parti. C'est la vérité économique et politique.Il est seulement à regretter qu'il ait fallu ces scènes de désordre, pour faire comprendre à nos édiles que courir après la popularité n'est pas un système d'administration, et que le so cialisme d'Etat, surtout tel que l'entendent les meneurs actuels des grèves, conduirait au pur communisme. En prétendant régler les prix et la durée de la journée du travail dans, les chantiers communaux, la Ville n'est pas sortie assurément de son droit. On peut sou tenir qu'elle est demeurée sur son domaine et qu'elle n'a point porté atteinte à la liberté du travail. Mais il est certain qu'elle a créé, dans l'esprit d'un grand, nombre d'ouvriers une il lusion funeste, qu'elle a créé une inégalité de condition entre ouvriers de même catégorie, qui devait tôt ou tard provoquer des grèves redoutables. La formule: à tra-vail égal, sa laire égal, devait évidemment séduire les ou vriers des chantiers particuliers et les porter à des violences fâcheuses, étant donné l'en traînement des luttes économiques. Nous ne discutons pas,, bien entendu, les exigences des ouvriers, qui peuvent être très justes. La vie d'une famille doit être difficile, avec le salaire moyen d'un terrassier. Mais ce n'est pas l'exercice du droit de grève qui inquiète, c'est , la forme dans laquelle les terrassiers l'exercent et ont eu malheureu sement la liberté de l'exercer. Depuis deux jours, plusieurs milliers d'ouvriers qui vou laient continuer le travail, n'ont pu le faire. Des violences inqualifiables ont été infligées aux personnes. Des intérêts respectables ont. été mis en souffrance, et l'ordre n'a pu être •maintenu sur certains points que par l'inter vention de l'armée active. C'est un prologue fâcheux pour l'Exposition,et qui n'est pas sans donner des craintes à ceux qui fondent des : espérances sur le succès de cette grande œuvre nationale. ; • Peut-être tout cela ne fût-il pas arrivé si le gouvernement actuel n'avait point la réputa tion d'être enclin à une indulgence sans limites et disposé à voir sans inquiétude les expé riences les plus hasardeuses? Il ne paraît pas établi que l'administration ait montré plus de zèle et de fermeté que le gouvernement. On comprend dès lors que la police ait laissé faire beaucoup de choses qu'elle aurait dù inter dire, jusqu'au moment où, se voyant menacée elle-même d'être jetée à l'eau, elle a dù verser...
À propos
Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.
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