Extrait du journal

. La Chambre étant absolument inca pable de prêter un concours intelligent et suivi à un cabinet quelconque, il se rait à souhaiter que le ministère com prît que les temps sont proches où le Sénat, selon la prédiction de Gambetta,; peut devenir le dernier rempart de la République. A la Chambre, l'incohérence règne et l'anarchie parlementaire prépare les voies au césarisme. Au Sénat, nous avons affaire à de vieux routiers qui ont vu passer beau coup de gouvernements, qui savent comment les régimes se fondent, com ment on peut les maintenir, quelles sont les causes de leur décadence et de leur chute. Ils ne se payent pas de mots et il ne' suffit pas qu'on qualifie de réforme telle ou telle mesùre hasardeuse, réclamée dans un but de flatterie électorale, pour qu'ils se fassent illusion sur la valeur réelle de cette soi-disant réforme. Il existe une différence énorme entre les discussions de la Chambre et celles du Sénat. Autant les premières sont médiocres, autant les autres sont remarquables. 1 Nous voyons d'un côté l'inexpérience, les préoccupations d'ambition person nelle, les petits calculs de réélection, la violence à froid, le manque absolu de plan gouvernemental et de suite dans les idées. Nous voyons, de l'autre, des débats d'un caractère élevé, des discussions pleines de tact, un libéralisme éclairé, une ferme volonté de transformer là République en régime stable et de faire comprendre aux ministères qui se suc cèdent qu'ils auraient un beau rôle à jouer s'ils voulaient, au lieu de louvoyer sans cesse, avoir une ligne de conduite arrêtée, une opinion nette sur toutes les questions qui leur sont soumises. La discussion sénatoriale relative à la création d'un Conseil général de la Seine absolument distinct du Conseil municipal de Paris a mis, une fois de plus, ces vérités en pleine lumière : A la Chambre, le projet de loi en question avait été escamoté. On l'avait voté sans discussion et pour ainsi dire sans réflexion. Ceux qui en voyaient les dangers avaient gardé le silence, par crainte des intransigeants. Quant au gouvernement, il était arrivé à se persuader, en y mettant une complai sance tout à fait exceptionnelle, que l'on jouerait un bon tour au Conseil municipal de Paris en adoptant ce projet que le Conseil municipal trouvait in suffisant. Le cabinet, se tournant vers les in transigeants, leur disait : « Vous voyez que nous vous faisons des concessions et que nous né sommes pas de ces réactionnaires qui reculent devant l'application, du droit com mun. »...