Extrait du journal

On n’en a jamais tant vu. Ils se recrutent dans toutes les classes de la société ; les uns appartiennent à de très bonnes familles, les autres, évidemment, ont des origines plus modestes. Certains même, avant de se faire « jeûnera », ont mené des existences peu recommandables.Mais ils n’en ont que plus de mérite à se consacrer à cette carrière qui exige, entre autres conditions, une force de volonté peu commune. Sans compter crue cet ascétisme qu’ils s’imposent ainsi, a pour résultat immédiat de les délivrer d’un trop-plein de santé, d’un excès d’humeurs pendantes nuisibles à leur équilibre. Un monsieur de tempérament violent, prompt à l’injure et aux coups, ne saurait inventer traitement plus efficace que le jeûne absolu, prolongé pendant plusieurs semaines. Il sort de là, sinon comme un saint, du moins assez faible pour n’avoir plus envie de faire mal à personne. Au lieu de rire du jeûner, une société bien organisée devrait lui donner, au contraire, toutes facilités pour exercer son industrie, pour l’étendre même. Un père de famille devrait amener ses enfants devant la cage de verre où il travaille et leur dire : « Voyez ce garçon-là. Ce n’est pas un paresseux.C’est un sage. Il ne cherche pas à battre un record ; il suit une cure. Quand il sortira de là. il aura la tète claire, l’estomac neuf, les intestins retapés ; aucune graisse n’encombrera plus son organisme. 11 aura rajeuni de dix ans. La goutte ni l’artério-sclérose n’auront plus aucune prise sur lui. Bref, il vient de signer un nouveau bail avec la vie. Que ceci, mes chers petits,tout au moins vous enseigne les avantages de la ruralité. »...