Extrait du journal

LES PORTUGAIS NE SONT PLUS GAIS Les Portugais ne sont plus, paraît-rl, aussi gais que le dit la chanson. Ils vivaient sous un roi débonnaire dont, un jour, des guerriers en mal d'é meute brisèrent le trône à coups de canon. Pour ne pas «démériter des traditions ré volutionnaires, on massacra des femmes, on pilla des couvents et on proclama la dictature. Voilà quelques mois que dure le pou voir des émeutiers transformés en maî tres et que, dédaignant de consulter le peuple, 'les dictateurs gouvernent par la proscription, les confiscations, l'arbitraire et la terreur. 11 parait que les Portugais commencent à se lamenter et se demandent s’ils n'ont pas remplacé le soliveau qui ne les gênait guère par une grue qui les dévore. Les ouvriers réduits à la misère procla ment la grève dans la plupart des corps cîe métier ; les dictateurs républicains ri postent par un décret proclamant que toute cessation de travail est une illégalité qui sera réprimée au nom, sans doute, de ces droits supérieurs que M. Briand, an cien professionnel de la révolution, invo quait au nom de l’ordre public et de la paix sociale. Il est toujours plaisant d'entendre les Gracques se plaindre de la sédition. Nous ne serions pas fâchés de connaî tre à ce sujet l’opinion de M. Jaurès ; il doit avoir une réserve de foudres et nous voudrions bien, fût-ce par amour de la logique, le voir utiliser son tonnerre contre les anarchistes couronnés de Lisbonne qui, comme ceux de Paris et d’ailleurs, ont tout l’air de se moquer du peuple. Il parait, en outre, que la gabegie sévit dans les services publics et que derrière l'émeute la misère s’est glissée ; la ban queroute, la hideuse banqueroute est aux portes de la république portugaise. On conçoit que les 'dictateurs ne soient pas pressés de convoquer les électeurs. La monarchie, paraît-il, n’exécutait pas leurs ordres ; pour se dispenser de désobéir aux volontés du pays, la république ne daigne même pas le consulter et renvoie à plus tard l’ennui de s’entendre dire sans doute par le peuple qu’étant venue sans qu’on l’appelle, elle ferait bien de déguerpir avant qu’on ne l’y force. — Charles Dupuy,...