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Le Temps, 4 janvier 1895

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Le Temps
4 janvier 1895


Extrait du journal

On croyait que les socialistes, qui se piquent d’étre des savants, accepteraient volontiers d’expérimen ter dans une terre vierge les théories et les sys tèmes qu’ils veulent nous faire adorer de force; et l’on a quelquefois proposé de livrer aux réforma teurs du monde quelque île ou quelque parcelle du continent ôù ils pourraient vivre à leur guise eux et leurs amis. La Petite République nous signifie ce matin que les socialistes se refusent à nous donner la preuve expérimentale — c’est-à-dire vraiment scientifique et décisive — de leurs affirmations de tous les jours. Non, ils n’iront pas ailleurs mettre en pratique leur conception do la société. Et ils essayent de colorer leur retraite do prétexte spé cieux. D’abord, ils prétendent que, dans une terre vierge, les conditions ne seraient pas bonnes. 11 faut à ces méssieurs les complications de la vie contempo raine. Le socialisme est la fleur poussée sur le fu mier des civilisations superposées. Or, on n’emporte pas tout cet humus dans ses bagages ! Le prétexte est curieux ; mais il ne convaincra personne. S’il fallait aux réformateurs de bonne foi qui partiraient pour uno île déserte toutes les ressources contempo raines de la science et do l’industrie, on les leur don nerait voloritiors. On mettrait à leur disposition ou tils perfectionnés et machines supérieures ; on ferait en un mot de leur nouvelle patrie un laboratoire parfait, un microcosme complet, uno réduction sin cère d’univers et d’humanité. Ce n’est donc pas là qu’il faut chercher la vraie raison des socialistes pour ne pas se prêter à une démonstration expéri mentale. Ils nous la livrent un peu plus loin quand ils disent que, s’ils partaient pour une terre vierge, ils diminueraient forcément ici l’effectif de l’armée révolutionnaire pour le grand jour do l’émeute ! Voilà l’aveu que nous attendions ! Les socialistes n’ont qu’une préoccupation : la révolution à prépa rer. Quant à toutes les occasions qui leur seraient offertes de mettre leurs théories à l’épreuve et de forcer par l’évidence la conviction des adversaires ou des hésitants, — il ne faut pas leur en parler. Ils se targuent d’ôtro des réformateurs ; ils sont sur tout des révolutionnaires-; et rien ne les gêne autant que d’ôtre mis au pied du mui;. : « UNE FORME NOUVELLE OE L'ASSISTANCE PAR LE TRAVAIL On nous signale une forme particulièrement intéressante de l’assistance par le travail. C’est à Sedan qu’elle fonctionne. Une société s’est formée dans cette ville pour lutter contre la mendicité professionnelle, et voici le moyen qu’elle a imaginé de mettre en expérience. Cette société loue à bas prix un certain nombre d’hec tares de terrains ^mauvais ou médiocres aux alentours de la ville. Elle achète une certaine quantité d’engrais et de semences. Puis, elle choisit des familles pauvres et leur distribue, en proportion du nombre des membres qu’elles contiennent, terrain, engrais et semences. Les familles choisies cultivent, en dehors des heures d’atelier, le jardin dont elles ont obtenu la jouis sance et en retirent une provision de. légumes, pommes de terre, navets, carottes, choux, etc., sur laquelle elles vivent durant des mois. Ainsi se trouve résolue l’une des difficultés les plus grandes que comporte le principe de l’assis tance par le travail : la difficulté d’écouler les produits. A Sedan, ce n’est pas le public qui est convié à utiliser le travail des assistés: ceux-ci le consomment eux-mêmes. La société qui nous occupe a commencé peti tement. Pendant l’été de 1893, elle a mis à la disposition de vingt et un ménages, comprenant 145 personnes, une surface de 14,000 mètres carrés. J’ai sous les yeux le rapport dressé par un professeur du collège de Sedan et par le se crétaire de la société d’horticulture de cette ville, et j’y trouve les détails suivants : Le travail a été pénible, car le champ qu’il s’agissait de cultiver en jardin n’avait servi jusqu’alors qu’à la culture des céréales. Il était rempli de chien dent. Tout a dû être trié, nettoyé à la main. En septembre, une visite a été faite par le comité de l’œuvre. Parmi les vingt et un lots, il n’y en a qu’un où le rapport constate que les légumes sont « un peu moins beaux ». Tous les autres sont notés : bonne récolte, très bonne récolte, récolte extraordinaire, culture très bien enten due. Voilà une famille de six personnes (n° 17) qui a obtenu une récolte « suffisante pour pas ser l’hiver ». Une autre, composée de quatre personnes (n° 18), « ne savait pas cultiver la terre », mais les voisins ont donné des conseils et de l’aide ; somme toute, cette famille a « ré colté comme les autres ». La dépense a été minime : 580 francs seule ment pour la location du terrain, l’achat de l’en grais et des graines. Après la récolte, — j’em prunte encore ce détail au rapport déjà cité, — un questionnaire a été remis à chaque famille...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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