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Le Temps, 11 juin 1926

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Le Temps
11 juin 1926


Extrait du journal

Là situation politique et financière a ceci de paradoxal que plus on se flatte qu’elle va s’éclaircir, plus on s’aperçoit, qu’elle achève de s’obscurcir. Dans l’ordre financier, on lie, en France, le sort de la livre — avec une vue peutêtre un peu courte — à tel ou tel projet dé terminé : dettes interalliées, Maroc, projets financiers du gouvernement. La hausse ou la baisse du franc doit en être solidaire, du moin3 on le prédit. Avec une indépendance — qui est, sur certains points, une indépendance du cœur. — le cours de la livre ou du dollar s’af franchit de ces prévisions et obéit à des rai sons qui nous paraissent obscures parce que nous les rétrécissons au champ de notre vision. Il en est de même dans l’ordre politique. Dès la rentrée du Parlement, le président du conseil s’est expliqué, sinon sur les projets financiers de son gouvernement, qui sont à l’étude, du moins sur les . raisons qu’il y a, sui vant iui, à conseiller au Parlement de ne pas discuter sur des brouillards. M. Briand n’a pas jugé expédient de laisser exposer à la tribune — où les paroles éveillent des échos sonores dans le pays et au dehors — des thèses d’éco nomie politique.variées, dont quelques-unes ont la mauvaise' fortune ou le désir évident-d’àjouter au trouble. Il lui à semblé que c’était expo ser le marché économique, en ce moment plus sensible que de coutume, à des réactions qui. ajoutent à soq désordre, exposer aussi l’opi nion publique, attentive aux soubresauts des changes, à des mouvements contraires qui n’eussent pu que préjudicier au bien public. On eût agité l’.opinion autour de thèses d’école sans pouvoir la satisfaire sur des projets pré cis. La Chambre et le Sénat ne sont pas des académies où l’on discute dans le vide des abstractions, mais des Assemblées politiques où l’on vote en séance des lois. A deux reprises, le- 27 mai et lé 1er juin, une majorité compacte .et nouvelle a approuvé la méthode proposée par le gouvernement. Situa tion éclaircie, semble-t-il. Pas encore. Comme le, marché financier reste, insensible aux élé ments nouveaux dont on avait dit qu’il serait touché, le monde politique demeure indifférent aux considérations dont on pensait qu’il serait ébranlé. Les uns parlent de, ministère: nouveau, de ministère remanié, de ministère élargi. Les autres se hâtent de démentir ces bruits. Il nous semble qu’on s’égare parce qu’on ne dégage pas d’une situation assurément com plexe deux ou trois idées simples. On met la: charrue devant les bœufs, si l’on demande d’abord la constitution d’un ministère nouveau, avant de s’assurer qu’il y a, sur tous les points.d’ordre .financier — pour ne parler que de ceux-là, qui sont, les plus pressants — une politique d’ensemble et une majorité assu rée. Les projets du gouvernement formeront, ils doivent former un tout. Et c’est sur ces projets que se modèlera une majorité. Les di vers articles de ces projets formeront-ils un tout si doctrinalement homogène que la même majorité, suffisante et constante, s’ajustera sur eux? Seront-ils acceptés, en raison de . leurs caractères pratiquement variés, par des majo rités qui ne seront pas toujours exactement semblables,.mais qui donneront à l’ensemble de ces projets leur existence définitive et légale? En tout cas, autour des parties assemblées des projets financiers, il est possible, il est dési rable qu’une majorité, animée d’un esprit d’union très large, se groupe pour leur donner plus d’autorité devant le pays. Si large, d’ailleurs que soit cette majorité, qui peut s’orner du mot d’union nationale, il est peu vraisemblable que certains partis se décident ou se résignent à y entrer. Les socia listes et les communistes tiennent tout prêts des projets qui auraient pour résultat immédiat d’aggraver la situation financière à une heure où il est nécessaire de l’améliorer. Ils se sont exclus des majorités d’union nationale sur les problèmes nationaux, qu’il s’agisse du Maroc au dehors ou des projets financiers à l’intérieur. Le 27 mai, le 1" juin derniers, ils sont déli bérément sortis de la majorité, même cartelliste. Ils sont donc résolus à ne pas figurer dans une, majorité dite d’union nationale. Ce n’est pas un ostracisme que l’on prononce contre eux, c’est une, retraite, qu’ils effectuent euxmêmes. ■ En dehors d’eux, les autres partis 'doivent comprendre . qu’ils, ont, ; en c supérieur de subordonner toutes leurs autres préoccupations à celle de redresser notre situation financière. Ce ne serait pas une manière de l’améliorer que de faire, dans les projets financiers du gouvernement, des con cessions aux sooialistes pour les faire entrer provisoirement dans une majorité dont ils se raient bientôt les saxons. On aurait, pour un résultat éphémère, sacrifié des principes per manents et lésé des intérêts essentiels. C’est donc, sur la politique financière d’abord que peut’se définir une majorité. C’est sur cette majorité que peut se modeler le ministère. Ce n’est pas un ministère nouveau ou remanié ou élargi qui peut déterminer une politique financière d’abord, une majorité • ensuite. Il s’exposerait aux plus fâcheuses surprises. On rentrerait dans l’ère des crises ministérielles qui ajoutent au désordre délibératif trop sou vent observé dans la Chambre par les sautes ■de vent, le désordre exécutif trop souvent réa lisé au gouvernement ::Dar.JesJncertitudes du .^lendemain,...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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