Extrait du journal

mère ; car elle a pénétré le mystère de sa liaison et sait fort bien que son père et elle ne sont pas mariés. Mais pourquoi Gendron n’a-t-il pas .épousé ou n’épouse-t-il pas Rosalie ? car on ne voit pas que rien l’en empêche. Ah ! voilà ! c’est que Rosalie, à quinze ans, a été attirée dans un piège infâme par un gredin, qui répond au nom sinistre de Loùvart; il a abusé d’elle; personne n’en a jamais rien su; car ce Louvart, ou vrier fondeur également, a disparu; il est allé travailler en Egypte à l’isthme de Suez. Mais elle le sait, elle; elle ne se sent plus digne de Gendron; elle refuse obstiné ment d’être sa femme, sans lui dire pour quoi, et la pièce est tout entière fondée sur la persistance de ce refus, qui se renouvelle d’acte en acte ; car au moment où elle di ra : Oui, la pièce sera terminée. Eh bien ! c’est là de la convention. Quand on veut peindre exactement les gens qui vivent dans un certain milieu, il faut leur donner les sentiments appropriés à ce milieu. Est-il possible qu’ùn ouvrier fondeur, qui, rencontrant une belle fille de trèhte ans, lui dit : Vivons ensemble, et la voit accepter sans répugnance cette pro position, est-il possible qu’il croie avoir mis la main sur une jeune personne, digne de coiffer la symbolique couronne d’oran ger? Il peut ne pas lui avoir demandé de détails sur son passé; mais qu’il y ait eu des accrocs dans ce passé, il n’en saurait douter sérieusement, étant donné les mœurs au milieu desquelles il vit, et dont il est lui-même un exemple, puisqu’il sé passe si aisément du maire et du curé. D’où vient alors l’invincible répugnance dé Rosalie à épouser Gendron, qui lui de mande sa main. Elle peut ne lui rien dire; car ce sera une chose tacitement entendue entre eux qu’elle ne lui apporte pas les pré mices de son cœur. Mais, à supposer mê me qu’on lui prête un scrupule plus déli cat, quelle répugnance peut-elle avoir à conter à son mari un attentat dont elle a été la victime ?...