Extrait du journal

Un duel vient d’avoir lieu à Marseille entre deux journalistes, dont l’un a tué l’autre. Cette issue tragique a causé d’autant plus d’émotion que la cause du duel a paru moins grave. Il n’y avait, en somme, entre les deux adver saires, que quelqu’une de ces injures devenues malheureusement monnaie courante dans les discussions politiques. Les circonstances qui ont marqué la rencontre ont encore ajouté à la douloureuse , impression ressentie dans le pu blic. La justice informe ; c'est à elle qu’il appar tient de déterminer avec précision toutes les, responsabilités; Mais il nous paraît qu’une.fois le verdict de la justice prononcé tout ne sera pas dit. Nous nous trouvons devant un genre d’événements qui deviennent de jour en jour plus fréquents dans le monde des journalistes, et qu’il serait bon de chercher à prévenir et à empêcher. Il est très fâcheux que les polémiques entre journalistes appartenant à des partis politiques différents se soient si fort abaissées qu’elles ressemblent parfois plus à un échange de gros mots qu’.à un échange d’arguments. On dit bien que l’insulte politique ne tire pas à consé quence. Les termes les plus violents s’usent à force de servir. Le langage n’a plus qu’une va. leur .de convention. Nous savons, par exem ple, qu’appeler quelqu’un « canaille, scélérat, fripouille », cela veut dire simplement qu’il n’est pas de votre avis sur les mérites de la monarchie ou de la République. Ce sont là de piètres excuses pour un usage indigne des hon nêtes gens. Tout le monde ne fait pas la sous traction qu’il faut toujours faire en lisant ces sortes de polémiques. Il en est qui les prennent au grand sérieux et mettent un faux point, d’honneur à les maintenir ou à les venger. Les mauvaises mœurs littéraires finissent ainsi par amener les actes les plus regrettables. Pourquoi ne pas essayer de réformer ces ha bitudes ? Il y va de l’intérêt, de la dignité et de l’autorité de toute la presse. Notre intention n’est point de faire une diatribe contre le duel;...