Extrait du journal

Quelle occasion de les débaptiser et rebap tiser encore! Mais qui ne voit ;que ce travail serait imparfait? De maison à mai son, et non pas seulement de rue à rue, il existe des distinctions. Ces bons édiles ! Ils se sont taillé une jolie besogne. Car ils ont pris la tâche au sérieux. On avait pu croire, un instant, à une révolte du bon sens. La classification des « quartiers riches » n’ayant pas été effectuée dans la proposition adoptée par le conseil, rien ne se trouvait fait. Un membre a, en conséquence, demandé que la substitution de l’eau de ri vière à l’eau de source n’eût lieu, à l’avenir, qu’après avis de la commission compétente, les conseillers des arrondissements inté ressés entendus. Cette demande a été ac cueillie. Si bien que le premier vote pouvait sembler annulé. C’est ce qu’un membre du conseil a relevé. Mais il s’est vu tancé de verte façon. Les rumeurs ont éclaté de toutes parts, et l’inventeur de la nouvelle division de Paris en quartiers riches et quartiers non riches a clos le débat en disant que ce second vote n’annule en aucune façon le premier. Notre conseil municipal peut donc être fier; il n’a pasN perdu sa journée; il a, dès maintenant, une page glorieuse pour son histoire. Seulement, qu’a-t-il fait des intérêts qui lui sont confiés? Il n’est pas besoin de longues réflexions pour comprendre que, le jour où la municipalité parisienne voudrait soumettre- à un régime de vexations spécia les les « quartiers riches », c’en serait fait de la puissance et de l'attrait de notre cher Pa ris. Ils lui viennent de son luxe, de son sou rire, de cette grâce rayonnante à laquelle le monde entier rend hommage. Toutes les ca pitales font fête à la richesse : pourquoi se plaît-elle particulièrement à Paris? D’où vient que les étrangers affluent dans notre ville quand Londres, Vienne ou Berlin les sollici tent? C’est sans doute que Paris a des splen deurs sans rivales et que quelques-uns de ses quartiers sont de vraies merveilles ; mais c’est aussi que le . luxe y est chez lui, qu’il n’y est point traité comme un intrus ou un ennemi. Paris est la cité charmante entre toutes, n’établissant de distinctions sociales d’aucun genre, pleine de cordialité et de bonne humeur pour tous ses hôtes sans exception. Cette égalité, bien sincèrement démocratique, lui vaut une aristocratie, un mouvement d’affaires, - une vie qui font le bien-être de toute sa population laborieuse. Changer cela, c’est découronner Paris. C’est faire de détestable administration. L’an cien conseil avait fait, sans doute, de mau vaise politique, mais il avait fait de bonne administration, et un jour, au Sénat, M. Buf fet dut lui rendre cette justice. Que deviendra Paris si le nouveau conseil, non content de faire de détestable politique, fait, en outre, de déplorable administration ? Com ment nos prétendus radicaux du conseil ne s’aperçoivent-ils pas qu’avec leurs clas sifications nouvelles ils renient l’œuvre éga litaire de la Révolution? Elle ne connaissait plus de classes, n’admettait de distinctions d’aucun genre; pauvres ou riches, elle n’avait qu’une loi pour tous: ainsi elle a fondé la grandeur morale de la France. Nos ultras du conseil renient son œuvre, et ils se disent révolutionnaires et démocrates! Ce ne sont que d’aveugles réactionnaires....