Extrait du journal

venir lui pèse. Il aime à se distraire et on voit bien, par son Divertissement champêtre, qu’il a résolu de faire désormais des peintures très égayées. M. Besnard n’a jamais été un talent sévère. Il a dù s’imposer quelque effort pour être lugu bre, pour redire les horreurs de la conquête et les sanglantes péripéties de l’invasion. Mais son tableau est étrangement combiné ; le fait épisodique restreint la douloureuse synthèse, et empêche presque de la voir. A)ù les barbares ont passé, tout est ruine et dévastation. Un ca davre pend aux branches d’un arbre : des fem mes désolées pleurent le glorieux vaincu. Ce détail tient beaucoup de place dans le tableau ; .il accapare l’attention du spectateur, il diminue la valeur des fonds qui sont très intéressants. Ici nous avons affaire à la passion collective : il ne s’agit plus de l’attendrissement d’une fa mille, mais du deuil d’un peuple expulsé. Dans la cohue de cette foule fuyante, dans la sil-, houette qu’elle dessine sur un ciel désolé, on reconnaît la velléité d’un sentiment si nistre. Mais M. Besnard a relégué le drame. aux derniers plans. C’est qu’un artiste obéit toujours aux tyrannies de son goût particulier. Et nous savons tous que M. Bes nard. n’est pas naturellement pathétique. Il aime le luxe et l’agrément. Quand il était à Rome, il faisait beaucoup de portraits, il cher chait l’élégance, il ne reculait même pas de vant une grâce fantasque ou excessive. Son idéal s’exprime assez bien dans le grand por trait, d’ailleurs contestable, où une robe jaune constellée de broderies rouges fait un si beau tapage : qu’importe qu’une femme soit jolie, si elle doit disparaître dans les fanfioles de la toi lette? La restitution archéologique du passé trouve dans M. Henri Motte un chercheur autrement sincère. Nous avons souvent rendu justice à son insatiable curiosité. Le nouveau tableau do M. Motte, César s'ennuie, a quelques-unes des qualités qui lui sont habituelles, mais on n’y trouve pas tous les mérites que réclamerait un pareil sujet. Le maître du monde traverse la scène dans sa litière portée par des esclaves. Une femme, placée derrière lui,; agite un flabellum, car il ne faut pas que l’aile légère des moustiques effleure le front de César. Le cor...