Extrait du journal

— Non ! s'écria-t-il en jetant sa plume, non, c'est plus fort que moi, jamais je ne pourrai... Et, couché à demi sur la table, sa figura ./ cachée dans l'angle décrit par son brast gauche, il se mit à. pleurer amèrement. J L'infortune dont l'accablait le ciel n'é- : tait pas mince. ! Lui qui, jusqu'à ce jour, faisait l'espoir et l'orgueil de sa famille, et qui, chaque année, le mois d'août revenant, prome nait à travers les rues un invraisemblable chargement de livres richement gaufrés et de lauriers en papier d'or, eh bien, cette année-là,1> sans qu'on sût pourquoi nicom« ment devenu cancre, il n'avait même pas reçu l'aumône d'un simple accessit. De sorte que cette fin d'été, d'ordinaire embellie de tant de charmes, n'offrait à son âme d'écolier que des vacances déco lorées. ^ Comme c'était un bon petit garçon déjà poète sur ses douze ans et très imbu de lettres classiques, sortant tous les ma tins du vieux logis Louis XIII qu'habi taient ses parents pendant la belle saison, il se répandait seul dans les bois d'alen tour à seule fin de-conter sa peine aux Dryades, s'il y en avait, et aux Hamadryades, s'il en restait encore. — Hélas I soupirait-il,quelle disgrâce... Et personne qui veuille me prendre en pitié. C'est donc en vain que, pour me soumettre aux lois nouvelles, j'aurai abandonné les poètes que j'aimais tant, mon Racine et mon La Fontaine; La Fontaine qui est comme un bois plein d'oiseaux où cascaderaieht des eaux vives, Racine que je ne comprends pas toujours, niais où mon cœur commence à deviner le mystère des passions humaines. - Et mon Horace, et mon Virgile l i A ce nom de Virgile un souvenir lui vint, et, se rappelant les Géorgiques : — Oui 1 s'écria-t-il, je ferai comme Aristée qui voulut se noyer lorsqu'il eut perdu ses abeilles, et, après un plongeon, se trouva dans le palais de verre, où sa mère tenait sa cour, sous un plafond de coquillages et de corail, au milieu de nymphes fileuses. Mais je n'ai pas de mère déesse, et je ne trouverai pas d«...