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L’Écho de Paris, 13 mai 1895

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L’Écho de Paris
13 mai 1895


Extrait du journal

A Félix Bouchor. — Attends, vieux camarade; c'est plein d'anémones sauvages ! L'alezan, humant les bruyères sèches, tend entre les brides lâches sa longue tête placide, et broutte les lancettes jaunies, l'herbe fine. Elles valent la £eine que l'on mette pied à terre pour elles, ces anémones, lys d'un violet royal, à cœur d'or, sur courtes tiges velues. — Qu'est-ce que tu dis de cela, l'ami? La bête, à la voix familière, tourne son cou gonflé de veines et moiré de sueur. Son large œil noir bombé montre un coin de blanc peureux, et la forêt se mire dans l'orbe sombre et verni de cet œil qui ne voit point à la façon du nôtre et qui dé forme toutes choses. — Qu'est-ce qu'il y a donc ? Inquiétude de la tête au vent, narines frémissantes, puis détente, oubli de la sen sation fugace; et, paisible, arquant ses jambes, ce cheval tond l'herbe grêle d'une ornière, mâche une écorce, cherche à dé terrer les tigelles fraîches. D'où venait sa peur, le souffle instantané qui lui vibrait tout au long ? C'est leur mystère, aux ani maux, étranges voyants des formes loin taines. Ils entendent ce que ne perçoit pas l'oreille de l'homme. La futaie, pourtant, est vide. Aucun bruit de hache jetant bas les ambres, nul cri de coucou ni de pic frappeur, celui qu'on appelle l'oiseau des charpentiers; les ramiers sauvages ne rou coulent pas. La forêt s'étend silencieuse, vide et pleine. Peut-être le vol d'un cor beau ombrait-il le sol • d'nn battement d'ailes? Ou quelque branche aura craqué. — C'est bon, hein ! Oui, ce doit. être savoureux à mâcher, ce vert humide ; c'est bon, après la paille sèche, l'avoine sèehe, le foin sec qui cra quent sous la dent. Sa langue clappe, gênée par le mors. C'est vrai que cette verdure fait, envie", tous ces feuillages gonflés d'eau, leur acide fraîcheur I En selle maintenant 1 le bouquet est cueiili. Les fleurs sont rares en forêt. Près des champs fleurissent seuls la menthe sauvage à fleur bleue, les boutons d'or, les campanules en clochette, les petits œillets sauvages qui sont roses. Ces ané mones veloutées, d'un violet si riche, a peine nouées d'un brin d'herbe, se ferment et se fanent. *** L'allée de sable sinue entre des buis sons roux. Derrière, devant, partout, la futaie s'élague : grands jours bleus où s'é rigent des hêtres gigantesques, des peu pliers blancs, des ormes. Un tapis mort de feuilles et de broussailles fauves laisse poindre, çà et là, les piques menues du vert nouveau, les gramens ïbses. Il y a huit jours, on eût dit l'assoupisse ment d'une forêt d'automne, grise et gril lée. A vue d'œil, le printemps a surgi, jailli, bondi, crevant en bourgeons verts, poussant des ongles et des doigts d'émeraude, lançant des fusées qui éclatent et...

À propos

Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.

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