Extrait du journal

EN AFFAIRES Celui qui met un frein à la fureur dos flots Sait aussi des méchants arrêter les complots. Aux petits des poissons il donne la pâture Et sa bonté s'étend sur toute la nature. Racine. Elle sort du tain : roulée dans un frêle pei gnoir de batiste à travers laquelle le rose de sa : peau transparaît, elle s'étire, voluptueuse, sur le satin violet ramagé de lotus et de fleurs de prunier des coussins ; quatre robes de manda rins les ont habillés, ces coussins en ce mo ment écrasés entre l'arc courbé de ses reins et les légers bambous de sa chaise longue; à l'entour d'elle éclate aux murs la gaîté des toiles de Gênes encadrées de tuya; à la grande baie don nant sur l'avenue du Bois; un ruisellement de perles de couleur tamisant le soleil, un friselis d'eau courante dans les joncs et de brise dans les feuilles, le bruissement lumineux d'unstore japonais fait de mouvants roseaux. Les pieds nus, retenant du bout de l'orteil leur babouche pendante, elle songe, plus que nue dans cette provocante batiste, artificielle et inquiétante avec son profil impertinent et las, ses lèvres carminées et dans la poudre de riz de la face ses larges yeux d'un bleu dur, en lapis : l'air d'une idole avec sa chevelure teinte, d'un or rose invraisemblable, la coiffant comme d'un casque et dégageant sa nuque délicate, - elle exhale une entêtante odeur de triple extrait de poudres et de fards, où la fragrance de l'œil let domine ; l'œillet jaune qu'elle effeuille entre ses doigts méchants au-dessus d'un Moustiers, débordant d'Iris et de pivoines blanches, posé sur une table à la portée de sa main. Debout auprès d'elle, le torsemoulé dans une jaquette claire, la cuisse bête dans un collant gris cendré, bagué à tous les doigts, fleuri d'un gardénia, lui, bellâtre et prétentieux, dépouille la correspondance, étudie le courrierdu matin. nSitues^iste,machérie, lis cette lettre etdéchire l'autre, car je suis triste, moi aussi, de te " savoir éloignée de moi. Vivre si loin et.sesen tir le cœur si près l'un de l'autre. Si tu es triste, vite un petit bleu et à midi je serai chez toi, je t'emmènerai déjeuner à SaintCloud par le Bois ; je sais dans l'ancien parc réservé d'adorables petits coins, nous irons nous y griser de tristesse ensemble; si tu es gaie, au contraire, prends l'autre lettre et ne vas pas plus loin ». Alors, lui, tout haut : « Curieux, cet envoi chaque matin de deux lettres au choix, une gaie et une triste, selon l'état d'âme de l'être que l'on aime... et bien femme,surtout. ..Dans un roman, cela ferait joliment bien... tu as . l'autre ? (et sur un vague mouvement d'elle) : La triste est mieux (et sur un signe de tête de l'adorée) : Tu me les donnes ? » Alors, elle, souriant: « Comme toutes les autres, voyons, tu le sais bien. Mais que fautil répondre? A quoi lui, perplexe, et les mains dans ses poches : — Ton buste est encore au Salon?. — Mais oui, .jusqu'à la fermeture. — Elle te l'a bien donné ? — Certes, je lui ai posé. — Ce n'est pas une raison... Enfin il est à : toi, bien à toi... tu as ses lettres en poche * — Dans mon secrétaire. — Eh bien, attends la fin de l'Exposition et quand le buste sera installé ici, alors seule ment... pzuftl... coupons là, cette liaison-là ne nous mène à rien. — Et en attendant ? — Mène-la en bateau... un petit bleu par ci, un. empêchement par là... Ça t'ennnuie... tu l'aimes ? — Moi ! Et le peignoir de batiste a un bel éclat de rire; moi, je n'aime que moi. — A la bonne heure ! et la jaquette prend une autre lettre : Tiens, une lettre de la mar quise... encore l — Oui, elle me redemande ses diamants et le collier de perles pour les mettre au Mont-dePiété; elle m'offre d'aller les mettre avec moi, elle a besoin d'argent, un gros ennui. — Ah 1 elle y revient... De l'argent, il y a les...