Extrait du journal

Mais il y a d’autres dreyfusards que les gens du gouvernement. Ce sont les intellectuels, enfants terribles de la bande. Ceux-là n’ont pas désarmé ; ils s’agitent comme au plus fort du procès de Rennes. Depuis le second jugement, ils ont voué une haine immense aux neuf dixièmes de leurs compatriotes, qui ne pensent pas comme eux. Ils ont fondé une religion nouvelle dont Dreyfus est le Dieu ; leur fanatisme, qui touche à la folie, serait, en des temps moins civilisés, capable d’autotaxés et de crucifiements. Leur cerveau, où la phraséologie philosophique tient lieu de pensée, s’est acharné, contre le sens commun, à la démonstration de l’innocence d’un traître condamné deux fois. Insensibles aux innombrables misères que la vie renouvelle sans cesse et qui excèdent les limites de la pitié humaine, ils n’ont été touchés que du malheur d’un seul qui méritait les pires supplices. Hors de ce cas désespéré, rien ne saurait les émouvoir. Avec ces gens-là, les relations sont devenues impossibles. Ils forment une sorte de secte dont les adeptes se reconnaissent déjà à des attitudes mystérieuses et à des signes de convention....