Extrait du journal

NOTES Les misères ministérielles Il n’est rien de douloureux comme les jours traînés par un ministre dans son cabinet après sa chute, en attendant son successeur. Il n’est plus et il signe encore. Il sc survit à lui-même; il assiste à son enterrement. Il est mort et il se prend à renaître à l’espé rance. S’il ressuscitait ? Si la porte s’ouvrait et si le futur Président du Conseil le tou chait du doigt, en lui disant : « Lève-toi, marche; nous marchons même ensemble. » Le Ministre défunt n’a jamais clé aussi assidu à sa tâche. Il est rivé à son fauteuil. La sonnerie du téléphone le fait tressaillir. Il se précipite sur l’appareil. Ce n’est que son attache parlementaire. — « Rien de nouveau ? » — « Rien de nouveau. » Il reçoit ses derniers amis. Il éprouve le besoin de prononcer un discours-programme . « Mon œuvre n’est pas terminée. Je mettais la dernière main à un décret réorganisant mes services. Ma présence est nécessaire, ici, dans cette maison que j’ai aérée. J’ai mis de Tordre dans le désordre. Et qui pour ra soutenir la discussion de mon projet sur... ». Le téléphone. — i< La combinaison craque. » — « C’est sûr? » — « Je cous le jure, on parle de Forestier. » Il raccroche le récepteur et reste un moment songeur. Il sourit : « Si Forestier était appelé, il me Drendrait. n Point de direction, Forestier Mais ce n’est déjà plus Forestier, c'est Lan glois. Langlois? Il y a, hélas! Madame Lan glois, qui déteste sa femme. Plus d’espoir. C'est fini, bien fini. Alors, il convoque son chef de cabinet, ses secrétaires. Il Veut profiter des dernières heures de la Toute-Puissance. — « Apportez-moi les dossiers intéressants. » On racle les fonds de tiroir. Il signe, il signe ; il nomme à tout ce qu on voudra ses amis, ses ennemis, ses ennemis, surtout. Il faut songer à demain. Et, scs gens en allés, le Ministre déchu pense fortement. Il frappe d’un poing sonore sur sa table. « J’ai trouvé! » crie-l-if. Il a trouve le moyen par une alliance secrète avec ses adversaires de rendre la vie impos sible au Président du Conseil qui n’a pas rendu justice à ses mérites. Georges PONSOT....