Extrait du journal

LE PAVILLON. Parmi les jeunes seigneurs de la cour de Madrid , don Manuel y Rodriguez, comte de San-Salvador, se faisait remarquer par son air triste et mélancolique qui l’avait fait surnommer El hermoso Tenebroso, le beau téné breux. Cependant don Manuel n’avait que vingt-deux ans ; son père en mourant lui avait laissé une fortune im mense; tout promettait au jeune Hidalgo , une. existence pleine de lélicité ; mais malgré tous ses biens , malgré la position élevée que l’hérédité de la place qu’occupait son père lui assurait à la cour, don Manuel ne pouvait être heureux. En vain ses amis avaient voulu dissiper cette sombre tristesse, ordinairement étrangère au climat ardent des Espagnes , en vain quelques femmes jeunes et belles de la cour avaient essayé de briser par le feu de leurs re gards la glace que semblait couvrir le cœur de Manuel , rien ne pouvait vaincre sa mélancolie. Lui-même, mal heureux du trait empoisonné qu’il portait , avait essayé d’oublier par de monstrueuses folies ce qui se passait au dedans de son âme ; mais ni les baisers parfumés de scs maîtresses, ni le jeu avec ses alternatives a enlever de perte ou de gain , n’avaient pu l’émouvoir un seul instant. Ses amis le déclaraient incurable, et don Manuel restait une énigme vivante au milieu de cette cour espagnole si fran chement voluptueuse et si insouciante de l’avenir....