Extrait du journal

pagnons ! lui ont joué ce mauvais tour d’exhumer ses chants révolutionnaires de jadis. Aujourd'hui, il doit reconnaître qu’il avait été un peu excessif et même injuste, car, s'il est vrai que beaucoup de ses collè gues â la Chambre bedonnent, c’est la faute de l’âge plutôt que celle d’un « dolce farniente. Si le député ne travaille pas beaucoup au Palais-Bourbon, il a une vie intérieure et extérieure de véritable mercenaire. Un de nos confrères a compté qu’un de nos députés ne recevait pas moins de 20 à 25 lettres de sollicitation par jour et que même, pour certaines circonscrip tions du Midi particulièrement exigeantes, ce chiffre allait à 40 ou 50. Et il faut non seulement y réjiomlrc, mais s'en aller de ministère en ministère, à l’heure parfois matinale où ministres et direc teurs reçoivent MM. les sénateurs et MM. les députés, tâcher de décrocher d'assaut la timbale pour l’électeur. Nous ne nous arrêterons pas aux petits ennuis de l’anti chambre, à l’attente où l’on se ronge, au pourboire glissé à l’huissier pour le tour de faveur. Le député les oublie s’il remporte une nomination signée ou un engagement ferme ou simplement la lettre de débarras : « Mon cher collègue, bonne note est prise... dont beaucoup se con tentent et qui jette encore de la poudre aux yeux de nombre d'électeurs naïfs et débutants dans la carrière de solliciteurs. Certains députés — on est représentant du peuple ou on ne l’est pas — poussent même la condescendance jusqu’à se char-’ ger des commissions en ville de leurs compatriotes. C’est ainsi qu’on a raconté qu’un re présentant de Seine-et-Mame apportait aux Halles tous les matins les paniers des maraîchers, ses bons électeurs, et qu'un député de la Haute-Garonne courait les grands magasins avec les mesures de cer tains (le ses électeurs et celles de leurs dames et des enfants. On av même dit l’aventure d’un député de l’Yonne qui était allé à la criée aux poissons en quête d’un saumon pour un conseiller général de sa circonscription qui devait traiter des amis. Un autre honorable n’eut pas de trêve avant qu’il ne se fût procuré dix pièces de cent francs .vierges et au dernier mil lésime destinées à la corbeille de la fiancée d’un électeur très influent. Nombre d’histoires du même genre cou rent dans les couloirs et à la buvette de la Chambre, dont tout le monde semble s’amuser, bien que, parmi les rieurs, ne manquent pas (lv se trouver des « chers collègues » logés, sans l'avouer, à cette même enseigne de commissionnaires de leur circonscription. La vie de ces représentants du peuple est le dernier cercle de l’enfer : ils pas sent dans le mouvement parisien comme des âmes en peine, ayant perdu la no tion du temps et des distances. Leur dis traction, ils la prennent aux séances de la Chambre, lorsque l’emploi de leur journée le leur permet. Jugez de l’agré ment ! Georges ROCHER....