Extrait du journal
Ce nom, imprimé en beaux caractères rougeâtres sur la couverture d'un livre fraîchement sorti des presses, fait lever dans ma. mémoire le souvenir d'un homme à barbiche grise, de manières affables, silencieuses, un peu distantes, que j'ai connu seulement à la fin de sa vie et à qui je n'ai jamais su dire à quel point, son œuvre, et surtout sa vision de Paris, de ses rues, de ses gens, cie ses filles, demeurait liée à mes souvenirs de première jeunesse. Ceux qui ont eu quinze ans vers 1900 ont tous acheté ce Gil Blas illustré qui, chaque semaine, venait accroître par son texte et par son dessin de première page nos petits émois et nos immenses curiosités d'adolescents en mal d'amour. L'amour, c'était pour nous les femmes de Steinlen avec leurs chapeaux « canotier JI inclinés sur d'énormes chignons, leurs collets, leurs boas, leurs jupes cloches qu'elles relevaient, sur des bottines à boutons et des jupons blancs à volants de guipure, d'un geste du bras qui faisait saillir le coude en arrière. L'amour, c'était la blanchisseuse ou la bouquetière aux cheveux d'or et au corsage plein de si douces choses, qu'un ouvrier en casquette traînait dans l'ombre propice d'une ruelle montmartroise ou d'un square faubourien. L'amour, c'était la perspective nocturne de murailles, jalonnées de réverbères clignotants, dans les angles desquels des filles, les mains aux poches de leur petit tablier et le cou ceint d'un ruban noir, vous promettaient les voluptés paradisiaques dont les Fleurs du 11wl nous avaient déjà vanté les prestiges. L'amour, c'était Paris et ses bas-fonds, car Paris avait encore des bas-fonds, Paris avait encore des marl ou s à casquette et à rouflaquettes, qu'on disait armés de couteaux à cran d'arrêt et toujours prêts à planter les dits « eustaches » entre les épaules d'un « pan te ». Toute :une génération de gamins, devenus plus tard qui Francis Carco, qui Mac Orlan, qui Tartampion, eL été initiée par Steinlen aux mystères de l'amour et de la rue. Pour eux, la. rue et l'amour ont été longtemps inséparables, et j'en sais quelques-uns pour qui ils le sont restés. Ce sont des victimes de Steinlen....
À propos
L'Œuvre est un hebdomadaire devenu quotidien fondé par Gustave Téry, ancien rédacteur du Journal, du Matin et collaborateur de L'Aurore. Le journal s'est d'abord affirmé comme socialiste et anticlérical avant de rejoindre le nationalisme intégral prôné par Maurras et l'Action Française au moment de l'Occupation. Le titre fut pacifiste durant les guerres mondiales, bravant la censure dès 1914 et favorable au Cartel des gauches (1924) puis au Front populaire (1936).
En savoir plus Données de classification - steinlen
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