Extrait du journal

Eh bien ! non, ce n’est pas comme ça, ou plus exactement il est possible que ce ne soit pas comme ça. Je ne m’adresse évidemment qu’aux seules personnes douées d’un esprit spéculatif, et curieuses d’élargir sans cesse le cercle de leurs connaissances ; je ne pensais pas qu’un jour je porterais un pareil sujet dans les colonnes de ce journal : tout arrive cependant comme disait le conducteur du train qui avait deux ans et demi de retard. Je m’explique: le saucisson chaud ne fait pas du tout partie des sciences exactes, et ne peut-être, a priori, que considéré sous le..., je vous demande pardon, mes chers lecteurs, je me suis trompé de sujet ; c’est une confusion regrettable certes, mais excusable, puisque je prépare actuellement une conférence sur le « saucisson chaud dans les pays froids » ; mais il ne s’agit pas de ça, mais bien de la délimitation exacte du rêve et de la réalité. Je me suis passionné pour cette question depuis le temps où j’étais en apprentissage chez un entrepreneur de coliques hépatiques, dont le beau-père était sertissur de pierres meunières, ce qui facilitait grandement son entreprise. Et sans arrêt, cette question obsédant me revenait: le rêve finit-il lorsque commence la réalité ou la réalité n’estelle pas un rêve ? Je n’ai jamais pu la résoudre ; c’est pourquoi je vous la soumets aujourd’hui : comme vous le savez, il est admis que la vie repose sur un postulat ; mais un postulat n’est pas une preuve, sans quoi on ГзрреПегэІІ une preuve et non un postulat: donc personne ne peut me prouver que ce n’est pas quand je rêve que J’EXISTE REELLEMENT et vice-versa. S’il en est véritablement ainsi, c’est épouvantable, car alors comment établir que j’accomplis réellement un acte ou que je ne fais que le rêver. Quand je pilote une voiture, est-ce que je la conduis en rêve ou est-ce que je la conduis effectivement ? Et quand je rêve que je vais rendre visite au ministre des Finances, vêtu simplement d’un calendrier des postes, n’est-ce pas une réalité ?...