Extrait du journal

Mathurin Véheust est depuis longtemps reconnu pour un puissant créateur de formes nouvelles et un somptueux artiste. Jusque dans les abimes de la mer. il a été chercher de merveilleuses floraisons végétales et animales, qui ont inspiré, pour une bonne part, la rénovation du style décoratif moderne. Il est, en ce genre, au premier rang des précurseurs et des réalisateurs. Personne mieux que lui ne soutient la comparaison avec les maltres de l'art japonais. Ce novateur demeure cependant un c conservateur a des beautés (un peu barbares peutêtre, mais d'une si fière allure et d'un si bel éclat), que le « progrès s détruit « chez nous p chaque jour. On ne retrouvera pas ailleurs que dans ce 11ne, mieux fixées pour l'éternité, ces massives statues vivantes de velours et de soie, de dentelles et de broderies que promenaient dans nos fêtes et nos processions les Bretons et les Bretonnes en costume traditionnel. Comment oublier jamais ce < Breton en bragoubraz hercule trapu, cuirassé d'un drap bleu au grain serré d'ardoise, étoilé de boutons d'acier, coiffé d'un flot de rubans, et qui se tient là, face au vent, droit comme un mat dans la voile flottante de sa culotte plissée de ris, debout sur les barques cambrées de ses sabots de bois ? Et, quelques pages plus haut, admirez la courte Bi goudène, toute jeunette, ruisselante d'orangés et de rosés, treillagée d'or, le regard triste et la bouche boudeuse pareille à quelque infante sauvage. (C'est un des tours d'adresse de Méheust de fixer ainsi, en deux coups de pinceau, l'expression et le caractère d'une physionomie qui ne semblerait qu'à peine ébauchée. Un exemple admirable en est donné par le visage, si énergique et si fin, du Tourneur d'écuelles de Coat an Noz.)...