Extrait du journal

Comme les princes des cités latines se portaient au-devant des peuples barbares qui submergeaient l'Empire de Rome. Georges Duhamel est allé reconnaitre cette jeune Amérique, dont la puissance semble appelée à dominer le monde. Ne croyez pas qu'il se flatte de retarder d'un pas sa marche envahissante. S'il garde, au secret de son coeur, quelque espoir dans les mystérieuses revanches de l'Esprit, et dans les surprenants revirements dont l'histoire offre tant d'exemples, il respecte trop la méthode scientifique pour opposer une si fragile intuition à la logique des faits. Il admet donc sans joie que l'hégémonie matérielle financière et industrielle des Etats-Unis, et même hélas leur domination spirituelle s'imposeront à la vieille Europe meurtrie, à demiruinée, et trop désabusée de sa propre mission. Le regard qu'il a jeté sur l'Amérique s'apparente à cette inspection austère que tout prétendant doit faire subir à sa future belle-mère c Voilà donc quel sera dans vingt ans le visage de la France C'est pourquoi les scènes de la vie aux EtatsUnis qu'il a décrites, avec une si admirable vigueur de touche, dans son livre, il les appelle Scènes de la vie future» de la 7ie future qui nous sera imposée demain, à nous et à nos enfants. Dans ces citoyens de la « libre » Amérique. Duhamel voit l'image et la ressemblance des Français qui vivront demain, et que préparent et façonnent déjà toutes les influences convergentes qui modifient irrésistiblement notre idéal de vie et la structure de notre société sports, cinéma, tourisme, jazz-band, finance et publicité internationalea. La force qui entraîne l'Amérique à coloniser l'univers est si formidable, si essentiellement vitale. qu'il lui serait impossible, le voulût-elle, d'y résister.' Pour maintenir en activité sa colossale machinerie, de plus en plus rapide pour payer les salaires, de plus en plus élevés, de son personnel ouvrier, de plus en plus nombreux, il lui faut produire et vendre de plus en plus. produire vendre. Un inexorable balancier fait retentir ces deux mots impérieux dans les cerveaux de tous les hommes d'affaires d'Amérique. Produire. vendre. n faut, de toute nécessité, que le monde se transforme en marché pour les produits U. S. A., et en clients les hommes de toutes couleurs et de toutes nations. Sinon, la machine s'arrête, la prospérité s'effondre et entraîne l'Etat dans d'effroyables convulsions. L'Amérique, à qui la voix de la fatalité répète sans cesse « Vends, ou crève est inévitablement entrainée à dire quelque jour aux autres peuples c Achète, ou te t'assomme»....