Écho de presse

Sofia Perovskaïa, régicide du tsar Alexandre II

le 28/05/2018 par Michèle Pedinielli
le 09/02/2018 par Michèle Pedinielli - modifié le 28/05/2018
L'aristocrate nihiliste Sofia Perovskaïa, responsable de l'attentat contre Alexandre II, en 1881 - source : Projet Gutenberg/WikiCommons

La jeune aristocrate russe devenue nihiliste dirige l’attentat meurtrier contre l’empereur en 1881. Elle sera la première femme pendue en Russie pour raisons politiques.

« On a arrêté le 22 à Saint-Pétersbourg une certaine Sophie Perovskaïa qu'on recherchait depuis 1878.

Elle a avoué qu'elle avait pris part, sous le nom de Soukhoroukoff, à l'attentat commis à Moscou le 1er décembre 1879 contre l'empereur Alexandre II, et qu'elle avait dirigé, après l'arrestation de Jeliabov, l'attentat commis le 13 de ce mois-ci.

Sophie Perovskaïa sera jugée en même temps que les autres auteurs de ce dernier attentat. »

Le 13 mars 1881, l’empereur russe Alexandre II est victime d’un attentat perpétré par le groupe nihiliste Narodnaïa Volia (la « Volonté du peuple », en français). À la tête de ce groupe, Sophie Perovskaïa, qui a pris le relais de son compagnon Andreï Jeliabov, arrêté quelque temps plus tôt.

Les articles qui évoquent une « certaine » Perovskaïa, ignorent (ou font mine d’oublier) que la responsable de cet attentat est née 27 ans auparavant dans le meilleur monde de l’aristocratie russe, issue des Razoumosky. Son père, Lev Nikolaïevitch Perovski, était l'ancien gouverneur militaire de Saint-Pétersbourg et son grand-père, Nikolai Perovski, était ministre de l'Intérieur. D’autres journaux le rappellent au moment du procès.

« Mlle Pérowsky est, comme on sait, fille d'un ancien gouverneur de Saint-Pétersbourg, et son père est actuellement sénateur. Depuis que sa fille l’a quitté pour se jeter dans les rangs des conspirateurs, il est dans une désolation qui menace de tourner à la folie. »

Enfant, elle reçoit l’éducation des jeunes filles riches de l’époque à base de mathématiques, de français et de piano, mais aussi de tir au pistolet. En 1869, elle entre à l’Institut universitaires pour femmes de Saint-Pétersbourg.

Quelques années plus tard, elle commence à militer au sein du Cercle Tchaïkovski, un groupe littéraire révolutionnaire. Elle est arrêtée une première fois en 1874 pour activité anti-tsariste et est libérée sur intervention de son père.

Toutefois, cela ne freine en rien son désir d’abattre l’empire russe. Elle  participe aux attentats manqués contre Alexandre II à Moscou en 1879, puis à Odessa en 1880.

Le 13 mars 1881 (1er mars pour le calendrier russe orthodoxe), elle dirige l’attentat à la bombe qui, cette fois-ci, aura raison de l’empereur. Elle est arrêtée dix jours plus tard, trahie comme les autres membres du groupe par leur ancien compagnon Ryssakov.

Lorsque s’ouvre le « Procès des nihilistes », les journalistes découvrent le visage des membres du groupe.

« Ryssakoff, âgé de 19 ans, petit, blond, imberbe, vêtu d’un paletot noir ;
Mikhaïloff, 21 ans, taille au-dessus de la moyenne, blond, en paletot noir
 ;
Helfmann, 26 ans, taille moyenne, yeux noirs, nez camus, cheveux peignés en arrière, type quelque peu juif, robe noire
 ;
Kibaltchitch, fils de pope, 27 ans, taille moyenne, maigre, cheveux châtains, petite barbiche
 ;
Pérovskaïa, 27 ans, petite, maigre, pâle, front haut et étroit, brune, robe noire
 ;
Jeliaboff, 30 ans, haute taille, maigre, cheveux châtains, porte toute sa barbe, épais sourcils, yeux gris, très perçants.
 »

Pendant l’audience, Jeliabov et Peroskaïa refusent de répondre à certaines questions du président. Mais la jeune femme tient à préciser les motivations du parti Narodnaïa Volia.

« “Ça a été seulement quand le gouvernement opposa à leur action des mesures répressives, que le parti se vit obligé, après de longues hésitations, de recourir à une lutte politique contre les institutions existantes de l’empire, parce qu’elles étaient le principal obstacle au but qu’il avait en vue.

Bien que la majorité du parti blâmât cette lutte, elle n’en fut pas moins entreprise et poursuivie principalement par des moyens de terrorisme.

L'obstination à attenter à la vie de l’empereur fut provoquée par la conviction qu’il n’y avait pas d’espoir de le voir changer de conduite à l’égard du parti, ou de politique à l’intérieur.” »

Son autre intervention porte sur le rôle de l’autre femme du groupe, Hesse Helfmann.

« La prévenue Perowskaïa a reconnu qu’elle était membre du parti de la Narodnaïa Volia et agent du comité exécutif révolutionnaire. Elle a fait ressortir le rôle purement passif de Hesse Helfmann. »

Le procès ne dure pas longtemps. La sentence tombe dès le lendemain matin.

« Ce matin, à six heures, après une délibération qui a duré 3 heures, le tribunal a prononcé son jugement. Tous les prévenus ont été condamnés à la peine de mort par pendaison.

La sentence qui frappe la femme Perowskaïa sera soumise à la sanction impériale, par ce motif que la condamnée appartient à la noblesse. »

Sofia Perovskaïa ne sera pas graciée. Comme les autres hommes, elle montera à l’échafaud pour être pendue publiquement le 15 avril 1881 (le 3 avril, dans le calendrier orthodoxe).

Seule échappera à cette exécution Hesse Helfmann, la jeune femme étant enceinte au moment des faits. Elle mourra toutefois quelques mois plus tard.

Sofia Perovskaïa devient alors la première femme pendue en Russie pour des raisons politiques.

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