Les monstrueux forfaits d'Albert Fish : « vieillard ordinaire » et cannibale
Albert Fish était un vieil homme à l'aspect inoffensif. Arrêté à New York en 1934, ce criminel obsessionnel fut pourtant reconnu coupable d'avoir torturé et tué seize enfants. Lui-même affirmera en avoir assassiné une centaine.
Le 15 décembre 1934, Le Figaro raconte :
« New York, 14 décembre. Après six ans de recherches, la police a arrêté Albert Howard Fish, âgé de 65 ans, qui a avoué avoir, en 1928, attiré, étranglé et découpé en morceaux une fillette de 10 ans, Grace Budd, dans une maison abandonnée du bois de Worthington, près de Greenburg, aux environs de New York.
On soupçonne Fish d'être l'auteur d'autres crimes, car on a trouvé enterrés près de sa maison un crâne qu'on suppose être celui de Grace Budd, ainsi que des ossements et des vêtements appartenant à des adultes.
Fish, qui est assez cultivé et d'aspect correct, semble atteint d'une manie criminelle. Il a été arrêté à plusieurs reprises depuis la disparition de la fillette et notamment pour l'envoi de lettres obscènes. Il est père de six enfants. »
L'arrestation d'Albert Fish par la police américaine, le 13 décembre 1934, après six ans de recherche, va mettre au jour la personnalité d'un des plus effrayants criminels de l'histoire des États-Unis. Dans les semaines qui suivent, experts et policiers vont en effet reconstruire le parcours monstrueux de celui que la presse va surnommer « le vampire de Brooklyn ».
Né en 1870, ce natif de Washington s'adonna dès l'adolescence à une multitude de pratiques sexuelles « déviantes » : sadomasochisme, fétichisme, ondinisme, coprophagie. Albert Fish avouera avoir perpétré ses premiers viols d'enfants à l'âge de vingt ans – des crimes qu'il continuera de commettre même après son mariage en 1898 et la naissance de ses six enfants.
Arrêté en 1902 pour détournement de fonds, il est enfermé à la prison de Sing Sing. En 1917, sa femme le quitte. Peu après, il prend l'habitude de se planter des aiguilles dans le corps, principalement autour des parties génitales. Il commence à la même époque à souffrir de délires et d'hallucinations.
Il aurait commencé à tuer en 1924. Fish s'attaque systématiquement à des enfants, qu'il choisit parmi les couches les moins favorisées de la population, afin de ne pas attirer l'attention. On ne sait toujours pas exactement combien il en a assassiné, mais c'est le meurtre en 1928 de la petite Grace Budd, âgée de 10 ans, qui lui vaudra d'être arrêté.
En novembre 1934, Fish avait en effet écrit aux parents de la victime une lettre, dans laquelle il racontait avoir tué leur fille, puis mangé son cadavre. « Je l'ai cuisinée et mangée. Ses petites fesses étaient tendres après avoir été rôties », écrit-il. Grâce à cette lettre, la police va remonter jusqu'à lui. Le 17 décembre 1934, Paris-Soir donne des détails sur l'assassinat de la malheureuse :
« Voici les faits : au mois de juin 1928, un petit vieillard correctement vêtu se présenta au domicile du ménage Budd sous le nom de Frank Howard.
– Je viens vous voir au sujet d'une annonce que vous avez faite dans le journal, dit-il, pour trouver du travail à votre fils.
Et le vieillard engagea immédiatement le fils Budd pour travailler dans sa ferme, déclarant qu'il reviendrait le lendemain chercher le jeune homme. Le lendemain, Frank Howard revint chez les Budd. Il joua avec Grace, la petite sœur, la prit sur ses genoux et proposa aux parents d'emmener la fillette à une fête enfantine. Les parents, confiants, acceptèrent. Et le vieillard partit en automobile avec l'enfant.
L'auto s'arrêta devant une maison abandonnée, de sinistre apparence, prêt d'Elmsford, aux environs de New-York. Howard monta le premier et invita la fillette à jouer au jardin pendant qu'il préparait le goûter. La pauvre enfant ne se doutait de rien. Elle cueillait des fleurs sur la pelouse. Puis, elle entendit qu'on l'appelait. Elle monta en courant et trouva devant elle le vieillard complètement nu qui se jeta sur elle et l'étrangla.
– Je ne sais pourquoi j'ai agi ainsi, déclara Fish, dit Frank Howard. J'avais soif de sang ! Ma première intention était de tuer le frère aîné, âgé de 18 ans, mais quand je vis la fillette, j'ai changé d'avis. Après avoir dépecé le corps avec la scie, j'enveloppai les morceaux dans la toile cirée, et m'en allai. Enfin, deux jours après, voyant que personne n'avait visité la maison, j'essayai de reconstituer le corps avec les morceaux.
Les experts pathologistes pensent qu'on se trouve en face d'un cas de sadisme. Il s'agit peut-être, croit-on, d'une manifestation de cannibalisme. On suppose même qu'il pourrait y avoir d'autres victimes. »
La presse française suivra avec attention le procès d'Albert Fish. Le public découvre, horrifié, que chacune des mises à mort de ses victimes était précédée de longues séances de torture à l'aide d'une scie, d'un hachoir et de divers couteaux.
Les journaux de l'entre-deux-guerres, pourtant friands de sensationnalisme, ne retranscrivent cependant pas certains des détails les plus horribles, notamment le fait que le meurtrier a violé la petite fille, et a effectivement cuisiné et mangé pendant neuf jours d'affilée différentes parties de son cadavre – ce qui, dira-t-il à son psychiatre, le mettait dans un « état d'orgasme permanent ».
Fish plaide la folie. Le 13 mars 1935, Paris-Soir raconte :
« Fish fut porté au tribunal par ses gardiens. Il était dans l'impossibilité de se tenir debout après une tentative — réelle ou simulée — de suicide. Il fut, en effet, trouvé dans sa cellule, se lacérant sauvagement la poitrine et le ventre avec un morceau d'os. Il avait essayé précédemment de se suicider avec un morceau de bois.
À plusieurs reprises, on dut le soigner pour diverses blessures plus ou moins graves qu'il s'était faites. Il s'enfonçait, par exemple, des bouts d'allumettes sous la peau. C'est une sorte de frénésie qui le poussa parfois à s'infliger des tortures […].
Un examen radiographique de Fish a révélé dans son abdomen la présence d'un véritable nid d'aiguilles. Il a avoué qu'il avait l'habitude de s'enfoncer des aiguilles dans diverses parties du corps pour se calmer. »
Le 24 mars, Le Petit Journal rapporte plusieurs déclarations effarantes de la part du tueur :
« Dans sa confession à la police, Fish a déclaré que depuis 1928, il avait un désir passionné de manger de la chair humaine et qu'il avait peine à résister à l'envie de tuer un petit garçon pour satisfaire sa “gourmandise”. »
L'enjeu du procès est de savoir si Albert Fish sera déclaré fou et ainsi tomber sous le coup de l'irresponsabilité pénale : finalement, les jurés tombent d'accord pour déclarer Albert Fish sain d'esprit et l'envoient à la chaise électrique. C'est ce qu'explique Paris-Soir le 23 mars, en insistant non sans emphase sur les « perversions » du criminel :
« Un criminel de l'espèce la plus révoltante, qui, suivant les conclusions des experts commis pour l'examiner, présente les symptômes parfaitement caractérisés de dix-huit perversions différentes, parmi lesquelles le cannibalisme, le sadisme, le masochisme, la nécrophilie, peut-il être considéré comme sain d'esprit ?
C'est la question principale qui est posée aux jurés de White Plains, à la fin du procès d'Albert Fish [...].
Celui-ci a avoué avoir attaqué plus de cent victimes, depuis l'âge de 17 ans. Ce fut à Washington en enfermant dans une grange un jeune garçon nègre et en le torturant qu'il commença sa sinistre carrière. »
Condamné à mort, Albert Fish est exécuté à Sing Sing le 16 janvier 1936, à 23 heures. D'après plusieurs témoins, ses derniers mots furent : « Je ne sais même pas pourquoi je suis là. »
Il disait avoir tué une centaine d'enfants et en avoir dévoré au moins un dans chaque État du pays. Mais seuls seize meurtres furent prouvés. Son psychiatre, le Dr Fredrick Wertham, pensait quant à lui que le nombre de ses victimes pouvait avoir dépassé les 400, ce qui ferait de lui le « pire » tueur en série de l'histoire.
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Pour en savoir plus :
Stéphane Bourgoin, Serial killer, Enquête mondiale sur les tueurs en série, Grasset, 2011
John Borowski, Je suis Albert Fish, Camion Noir, 2018