17 juin 1939 : la dernière exécution publique en France
Il fut le dernier guillotiné en place publique de France : né en Allemagne en 1908, Eugène Weidmann est arrêté en 1936 pour plusieurs meurtres commis avec ses complices Roger Million et Jean Blanc : ensemble, ils kidnappaient, détroussaient et assassinaient des touristes dans les environs de Paris. Le procès de Weidmann, que la presse surnomme « le tueur au regard de velours », est très médiatisé. Il est condamné à mort, comme Million (Blanc n'écope que de 20 mois de prison et la sentence de Million sera plus tard transformée en perpétuité).
Le matin du 17 juin 1939, Weidmann doit être tué devant la prison Saint-Pierre (actuel Palais de Justice) de Versailles. Toute la presse est là : le lendemain, elle va raconter en détail l’exécution.
Le journal Ce Soir déplore la présence de nombreux badauds et dénonce, dans la foule, "une atmosphère amorale sinon immorale". Paris-Soir condamne lui aussi explicitement le voyeurisme de la foule :
"Aux abords de la place Louis Barthou, l'animation devient extraordinaire. Dans les cafés éclairés, se tasse une foule répugnante, qui gouaille en dévorant des sandwiches. C'est une espèce de goguette immonde qui a des relents de frites. Les visages sont blêmis d'insomnie. Des hommes à la chemise ouverte sur le cou et à molle dégaine, quelques noceurs et quelques filles trop fardées, forment des groupes, qui se heurtent en lourdes vagues au barrage de police. Ce sont des bousculades, des clameurs, des coups de sifflet."
Le journaliste raconte pourtant avec force détails les derniers instants de Weidmann dans sa cellule, au moment où on vient le chercher :
"Par les couloirs, le groupe silencieux, conduit par le directeur de la prison, se rend au quartier des condamnés à mort. La cellule de Weidmann est là. Une clef grince dans la serrure. Le misérable qui était étendu sur son lit, les yeux grands ouverts, s'est dressé. Le premier visage qu'il aperçoit est celui de son défenseur, Mlle Jardin. Elle se penche sur lui, les yeux brouillés de larmes, et l'embrasse.
C'est le dernier geste de tendresse humaine que connaîtra Weidmann.
— Weidmann, ayez du courage, l'heure est venue.
Le procureur de la République a prononcé ces paroles rituelles d'une voix sourde.
— Je vous attendais, répond Weidmann.
Il est très pâle, d'un calme terrifiant. De sa cellule, il n'a pas pu ne pas entendre les préparatifs de sa mort."
Auprès de la guillotine l'attendent le bourreau Jules-Henri Desfourneaux et une foule impatiente. Parmi les personnes présentes, la mère de Roger Leblond, l'une des victimes de Weidmann. Mais aussi un certain Christopher Lee, future légende du cinéma américain, alors âgé de 17 ans, qui racontera plus tard comment cette scène le marqua à jamais.
Paris-Soir relate l'exécution :
"Les deux battants de la prison s'ouvrent d'un coup. Il fait grand jour.
La foule se découvre. L'apparition de Weidmann est fulgurante. Grand, mince, il est livide. Une face de cire sous le casque des cheveux noirs. Des yeux qui s'affolent, balaient la foule et se heurtent à l'échafaud. Un torse d'athlète à la poitrine bombée, des épaules un peu violacées par le froid. A peine l'a-t-on vu qu'il est poussé en avant, rejeté sur la bascule. Il chavire. Il plombe, le cou pris dans l'encoche de la planche.
Deux aides le poussent, un autre l'empoigne par les cheveux. Le couperet glisse avec un bruit mou, tombe, rebondit. C'est fait. Avec une rapidité extraordinaire, la tête et le corps sont jetés dans le son.
Un cercueil noir est tiré du fourgon. La voiture s'ébranle."
En juin, Daladier, président du Conseil, fera interdire les exécutions publiques, estimant qu'elles stimulent les bas instincts des citoyens. La guillotine sera utilisée comme méthode d'exécution jusqu'en 1977.