C'est surtout la méthode employée par Guillaume pour faire avouer les suspects qui fascina les journalistes de l'époque. Parmi ces derniers, un certain Georges Simenon, écrivain et rédacteur prolifique, qui le suit en janvier 1934 pour Paris-Soir, dans le cadre d'une enquête sur « les coulisses de la police ».
« – Asseyez-vous, cher monsieur ! Excusez-moi de vous avoir fait attendre.
Le bureau est banal, comme celui du chef. Il y a une glace grisâtre sur la cheminée. Le commissaire Guillaume est assis dans un fauteuil et d'autres messieurs sont assis ou debout autour de lui. On a beaucoup fumé. La fumée des pipes et des cigarettes stagne à hauteur de l'abat-jour.
– Je vous ai dérangé pour élucider deux ou trois points de détail.
Crac ! Il y a eu un drôle de bruit.
C'est la chaise de Mestorino qui oscille et qui semble vouloir se briser. Déjà il rougit, perd contenance.
– Ne faites pas attention. Cette chaise est un peu mal en point., s'excuse le commissaire.
Mais on ne lui en donne pas d'autre, car c'est “la chaise fétiche”. Son pied cassé a été réparé avec de la ficelle. Au moindre mouvement, elle fait entendre des craquements qui, peu à peu, mettent le criminel hors de lui.
Car c'est un assassin qui est assis là et à qui ces messieurs offrent une cigarette [...].
Premier round !
La première question est simple, naturelle, innocente.
– Voilà, Mestorino ! Truphème s'est présenté chez vous à dix heures avec une traite de 30 000 francs. Vous l'avez payée. Celui qui l'a tué a volé cet argent et, pour le retrouver, nous avons besoin de détails. Les 30 000 francs étaient-ils en billets neufs ?
– Je ne me souviens pas.
– C'est ennuyeux. Faites un effort. Trente mille francs, c'est une somme. Vous avez dû les prendre à la banque le matin ?
– Je ne me souviens pas.
– Allons donc ! Vous les avez de toute façon encaissés vous-même quelque part.
– Je ne sais pas [...].
– Il vaut mieux aller jusqu'au bout, mon vieux. Nous sommes tous fatigués. Truphème, tu l'attendais. Tu avais besoin, coûte que coûte, de l'argent. L'outil était prêt pour le frapper.
Knock out !
Cent fois on répète la même phrase et Mestorino, tout pâle, à la dix-huitième heure, s'affaisse enfin, se cache les yeux.
– Signe, va, et que se soit fini !
Il a signé. Travaux forcés à perpétuité. Quai des Orfèvres, c'est ce qu'on appelle un interrogatoire à la Chansonnette. Savez-vous qui Mestorino a appelé dans sa prison, aux heures difficiles ? Savez-vous qui lui a remonté le moral ?
L'inspecteur qui lui a arraché l'aveu. »