Écho de presse

Arthur Conan Doyle, détective public

le 16/08/2022 par François Cau
le 04/08/2021 par François Cau - modifié le 16/08/2022
Sir Arthur Conan Doyle prend son thé chez lui sur la terrasse, Les Annales politiques et littéraires, 1928 - source : RetroNews-BnF

1913 : le romancier à l’origine des aventures de Sherlock Holmes s’engage à titre personnel dans plusieurs affaires judiciaires, que ses contributions aideront à démêler.

Médecin, auteur plus que prolifique dans les littératures policières, historiques et de science-fiction, spirite enthousiaste, joueur de cricket émérite, Sir Arthur Conan Doyle se révéla homme d’engagement dès 1902. Il publie cette année-là un pamphlet en défense du rôle tenu par le Royaume-Uni dans la Seconde Guerre des Boers. La légende veut que cette tribune, bienvenue suite à l’opprobre internationale à l'encontre des exactions commises lors du conflit, ait valu à son auteur son anoblissement.

Candidat deux fois déchu aux élections générales britanniques sous l’étiquette du Parti libéral unioniste, son élan patriotique le pousse même à échafauder l’hypothèse d’une invraisemblable milice d’automobilistes volontaires, prêts à embarquer des tirailleurs à leur bord en cas d’attaque.

Mais c’est en se posant en alter ego de son personnage de fiction le plus fameux, Sherlock Holmes, qu’il rencontra des opportunités aussi insolites que couronnées de succès.

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Sir Arthur Conan Doyle s’était déjà amusé à extrapoler dans l’une de ses premières nouvelles sur le mystère de la disparition du navire Mary Celeste, sans toutefois sauter le cap d’une réelle enquête de terrain.

C'est alors que Doyle fait la connaissance de George Edalji, avocat métis anglo-perse, accusé de mutilations animales et d'être l'auteur de plusieurs lettres de menace. Pour laver son nom, l’accusé fait appel au médiatique romancier, lequel ne se fit pas prier pour voler à son secours.

Avec une pincée d’ironie, La Petite République s’amuse à comparer l’affaire à un nouveau Jack l’Éventreur et Sir Arthur Conan Doyle au Zola auteur de « J’accuse…! », tout en reconnaissant au père de Sherlock Holmes une certaine sagacité – et un entrain à la tâche.

« Sir Arthur fit une enquête approfondie sur l’affaire, examina tous les documents, passa quelque temps à Wyrley et travailla douze heures par jours sur le dossier d’Edalji.

À la fin, il retraça l’histoire tout entière dans le Daily Telegraph, où on la lut comme un roman. »

Dès lors, les correspondances avec une enquête de Sherlock Holmes deviennent effectivement presque trop frappantes.

« Il remonta jusqu’à l’année 1888, où Georges Edalji avait douze ans. À cette époque, son père, le vicaire, reçut nombre de lettres anonymes, le menaçant de toutes sortes de choses. La bonne du presbytère fut accusée et jugée. Mais son défenseur plaida que tout cela n’était qu’une plaisanterie qui n’avait pas de sens commun et Elisabeth – c’était son nom – fut relâchée.

Cependant, elle et ses amis éprouvèrent ensuite un très vif désir de vengeance, et il y a de bonnes raisons pour croire que dans cette aventure, on doit trouver l’origine des irrégularités qui suivirent. […]

Dans une autre lettre reçue au presbytère se trouvait une menace directe contre Georges :

“Je fais le serment devant Dieu que je tuerai Georges Edalji fils. La seule chose que je recherche en ce monde, c’est la vengeance, la vengeance, la douce vengeance…” »

La police de Wyrley, en dépit de toutes ces menaces répétées contre la famille Edalji et d’un désir de « vengeance » maintes fois affirmé à son encontre, se braque contre George et l'emprisonne à la première accusation de mutilation de bétail. Heureusement pour lui, le pouvoir de déduction imparable de Sir Arthur Conan Doyle vole à sa rescousse.

« Les preuves et arguments apportés par Sir Arthur sont nombreux et convaincants, mais celui-ci est peut-être le plus impressionnant.

On déclara que les crimes sur les animaux étaient commis la nuit et de fait, il fallait qu’il en fût ainsi. Or, Georges Edalji est si myope qu’il ne voit pas à un demi-mètre devant lui ! »

Élémentaire, mon cher Watson. Suite à ce coup d’éclat, Sir Arthur Conan Doyle est contacté six mois plus tard en tant que consultant sur la mystérieuse affaire du vol des joyaux de la couronne d’Irlande – non élucidée à ce jour.

Aussi talentueux soit-il, le détective amateur se range à l’avis des forces de l’ordre.

Sa deuxième véritable affaire surgit quelques années plus tard, toujours sur fond de tension raciste larvée. Oscar Slater, ressortissant allemand de confession juive, est arrêté à New York, accusé d’avoir battu à mort une femme âgée pour la dépouiller. Sa condamnation à mort émeut l’opinion publique, persuadée pour grande partie de son innocence.

Sa peine commuée en prison à vie, ses avocats refusent de s’avouer vaincus et contactent notamment Sir Arthur Conan Doyle.

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Après avoir relevé bon nombre d’irrégularités dans l’enquête, l’écrivain est persuadé de l’innocence de Slater et publie un article dans le Daily Mail, « The Oscar Slater Case », le 21 août 1912.

Ce n’est que 15 ans plus tard que la justice acceptera de plaider l’appel, payé majoritairement par Conan Doyle, à l’issue duquel Oscar Slater sortira innocenté et symboliquement dédommagé de 6 000 livres-sterling.

Sir Arthur Conan Doyle rendra l’âme trois ans plus tard, toutes ses affaires classées.