Clandestine et toute-puissante, la Mafia – que l'on comparera plus tard à une pieuvre, en raison de son organisation tentaculaire – exerce son emprise sur toutes les classes sociales, comme l'écrit Dubarry :
« La Maffia a envahi toutes les classes de la société ; le riche la pratique pour protéger sa personne et ses biens contre le malandrinage ou pour conserver l'influence que lui enlève chaque jour le développement des institutions libres ; la bourgeoisie s'y adonne par crainte de vengeance ou pour réussir dans certaines vues, pour acquérir la popularité ou par avidité et ambition ; le prolétaire l'exerce par haine contre celui qui possède, parce qu'il espère arriver à une position plus élevée, par esprit d'opposition, par paresse. »
Une caractéristique confirmée par un rapport rédigé à la même époque par le préfet de Caltanissetta, province du centre de la Sicile. Celui-ci (cité par Le Petit Journal) distingue la mafia haute (« Alta Maffia ») de la basse (« Bassa Maffia ») :
« La Bassa Maffia est grossière et éhontée. Tout gredin qui se sent du courage se fait Maffioso, menace de tuer celui-ci, celui-là, et est aussitôt obéi et servi. On ne lui refuse rien ; pour lui donner ce qu'il exige on se réduira à la misère.
L'Alta Maffia consiste à afficher d'honnêtes manières et en même temps à être d'accord avec des bravi, des Maffiosi de basse extraction, à faire exécuter par eux ses vengeances, ses projets, soit qu'il s'agisse de voler les bestiaux d'un propriétaire ou de contraindre celui-ci à vendre à vil prix une ferme, un champ, un bois que l'on convoitera, soit que l'on veuille obtenir par la menace, suivie d'un commencement d'exécution, le cas échéant, la main d'une jeune fille richement dotée, etc., etc. »