Bizeul, reconnu par trois victimes seulement, écopera de cinq ans de prison et de 500 francs d'amende. Etait-il réellement coupable, ou bien a-t-il servi de bouc émissaire, on ne le saura sans doute jamais. Toujours est-il qu'après sa condamnation, les « piqueurs » semblent se calmer, même si on relève encore quelques cas en 1822 et 1823.
Mais cette étrange maladie s'est-elle évanouie à jamais ? À la fin du XIXe siècle, le souvenir du piqueur resurgira : en 1891, la presse surnommera « l'homme aux épingles » un diamantaire parisien arrêté parce qu'il « se faisait un plaisir de piquer ses victimes avec des épingles sur toutes les parties du corps ». Et en 1895, Le Matin relatera ce cas qui rappelle lui aussi l'affaire de 1819 :
« Un drame assez étrange s'est déroulé, la nuit dernière, rue Amelot. Une femme a été lardée de coups de canif par une sorte d'érotomane qui rappelle “l'homme aux épingles” de joyeuse mémoire.
Une fille, Célestine Labédouche, âgée de vingt-six ans, tient commerce d'amour dans cette rue, très fréquentée le jour, mais silencieuse et déserte dès que la nuit est venue. Elle était accostée, vers une heure du matin, par un monsieur d'une quarantaine d'années, vêtu comme un bourgeois aisé, qui lui demanda de vouloir bien lui accorder ses faveurs pour quelques instants.
Enchantée de cette aubaine, la fille Labédouche tenta d'entraîner son adorateur inconnu dans l'hôtel meublé qui lui sert de domicile temporaire ; mais le monsieur refusa de la suivre et, dans une crise d'érotomanie, il la frappa de sept coups de canif à la poitrine et aux jambes. »
La presse parlera alors d'« érotomanie caractérisée », et dans la sexologie naissante, les piqueurs de femmes seront inclus dans la catégorie des « sadi-fétichistes ».
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Pour en savoir plus :
Emmanuel Fureix, "Histoire d'une peur urbaine : des « piqueurs » de femmes sous la Restauration", in: Revue d'histoire moderne contemporaine, 2013