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1822 : Exécution des quatre sergents de La Rochelle

le par - modifié le 05/08/2020
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Le 21 septembre 1822, quatre sergents du 45e régiment d'infanterie, accusés de complot contre la monarchie, sont guillotinés en place de Grève à Paris. La mort de ces jeunes hommes fait d'eux de véritables martyrs pour plusieurs générations d'hommes et de femmes engagés pour la République.

Le contexte des années 1820

En 1820, la lutte entre les libéraux et les partisans de l’Ancien Régime s’intensifie partout en Europe, notamment à Naples où la Charbonnerie mène un combat révolutionnaire. La répression et la censure sont des facteurs favorisant la création d’organisations politiques secrètes.
 
En France, la conspiration dite du « Bazar français » (19 août 1820) est la première à menacer gravement le pouvoir. S’inspirant du pronunciamiento de Cadix, des militaires en demi-solde envisagent un soulèvement de garnison puis une prise de pouvoir. Mal organisée, la tentative est éventée et les protagonistes arrêtés.
 
Deux d’entre eux, Joubert et Dugied, réussissent à s’enfuir et trouvent refuge à Naples où ils découvrent la Charbonnerie dont ils ramènent les statuts en France en 1821. Comme de nombreuses sociétés secrètes qui sont hiérarchisées et cloisonnées, la Charbonnerie a pour but la déstabilisation du régime politique en place.
Couverture de l' « Histoire des quatre sergents de la Rochelle - Nouvelle édition », 1872 - source : Gallica-BnF

Quatre sergents condamnés à mort

En 1821, plusieurs soldats du 45e régiment d’infanterie manifestent des opinions hostiles au gouvernement, ce qui inquiète les autorités. Il est alors décidé d’éloigner le régiment de Paris et de le transférer à La Rochelle en 1822.
 
Parmi les opposants, quatre sergents (Jean-François Bories, Jean-Joseph Pommier, Marius-Claude Raoulx et Charles Goubin) fondent une vente de carbonari mais leurs actions clandestines sont dénoncées. Une « vente » est un petit groupe de militants étudiants et militaires, proches des idées bonapartistes, libérales ou républicaines.
 
Défendus notamment par Joseph Mérilhou (avocat, membre de la Charbonnerie), ils sont traduits devant la cour d’assises de Paris avec vingt complices. 
 
Le Constitutionnel va publier du 21 août au 7 septembre 1822 un compte-rendu détaillé du procès. Refusant de dénoncer leurs chefs, parmi lesquels le marquis de La Fayette, ils sont condamnés à mort et guillotinés sur la place de l’Hôtel de ville le 21 septembre 1822. L’exécution et l’arrestation de nombreux membres des « ventes » provoquent l’effacement des carbonari durant les années 1820.
« Les quatre sergents de La Rochelle : esquisse de décor de l'acte I, tableau 1 », Charles Cambon - source : Gallica-BnF
« Apothéose des Quatre Sergents de La Rochelle : Bories, Goubin, Raoult et Pommier », estampe - source : Gallica-BnF

Des héros populaires et romanesques

Une partie de l’opinion publique s’empare de la figure de ces hommes qui deviennent des martyrs d’une jeunesse romantique qui célèbre le sacrifice des jeunes héros. Un monument à la mémoire de ces saints républicains est érigé en 1848 et des ouvrages leur sont consacrés comme celui d’Anaxagore Guilbert.
 
En 1922, la municipalité célèbre le centenaire de la mort des Quatre sergents « victimes de la Terreur blanche ». L’Humanité fait savoir qu’un monument à leur gloire est inauguré au cimetière Montparnasse.
 
Balzac fait mention de cette affaire dans plusieurs de ses romans. L’un de ses personnages, Léon, fait partie des Quatre sergents et est arrêté dans le roman Melmoth réconcilié. Dans La Peau de chagrin, son amante, Aquilina, raconte pourquoi elle porte en toute circonstance un mouchoir rouge en sa mémoire, ce qui lui vaut le surnom de « La Rochelle ». Arthur Bernède leur consacre un roman-feuilleton qui sera publié à partir du 2 février 1934 dans Le Petit Parisien.
 
Dans la culture populaire, la mémoire des quatre sergents reste vive. Elle est incarnée notamment en 1863 par la « vieille au bouquet » qui était la fiancée d’un des condamnés qui se rendait chaque jour au cimetière Montparnasse.
La Rochelle, le port, la Tour des quatre sergents – Tour de la chaîne et Tour Saint-Nicolas –, Agence Rol, 1921 - source : Gallica-BnF
Tombe des quatre sergents de La Rochelle, à l'occasion du centenaire de leur mort, le 1er novembre 1922, Agence Rol - source : Gallica-BnF

Joseph Mérilhou (1788-1856)

Avocat au barreau de Paris, Joseph Mérilhou devient magistrat sous l’Empire mais est destitué à la seconde Restauration. Il se signale alors par ses prises de position libérales et par son engagement pour la Charbonnerie, défendant notamment l’un des quatre sergents de La Rochelle. Il prend part à la vie politique, devenant ministre de l’Instruction publique et des Cultes puis ministre de la Justice dans le gouvernement Laffitte de novembre 1830 à mars 1831. Élu député, il fait partie de l’opposition modérée. Il est conseiller à la cour de cassation de 1832 à 1848.

Portrait de Joseph Mérilhou, circa 1835 - source : WikiCommons