Autant d’éléments que ne manque pas de pointer un long article de la revue La Rampe paru en décembre 1924 qui, tout en soulignant la réussite esthétique du film, s’étonne :
« Le metteur en scène, en présentant son œuvre sous la forme d’une reconstitution historique du XVe siècle français […] a agi très imprudemment. On comprend parfaitement son désir de réaliser une brillante affaire et assurer de gros bénéfices à des commanditaires généreux, mais il a eu tord certainement de présenter une œuvre […] comme le résultat d’un effort collectif, quasi-national, auquel se furent associés des milieux officiels même. Sait-il comment vient d’intituler un grand journal étranger le compte rendu de la présentation du Miracle des Loups à l’Opéra ? “La France républicaine célèbre ses rois”, tel est le titre de cet article, très bienveillant d’ailleurs.
Ce n’est que de temps en temps que de vagues allusions à “l’esprit militariste français qui pénètre même dans le domaine du cinéma”, on puisse relever par-ci par-là… autre chose encore… Mais qu’importe tout cela devant une longue théorie de semaines de location en perspective et des rentrées brillantes qui justifieront […] la mise en chantier du nouveau film de M; Raymond Bernard, Charles IX, qui aura pour but, peut-être, de montrer les bienfaits de la Saint-Barthélemy. »
Ces critiques n’empêchent pas Le Miracle des Loups de faire date. Un remake sera produit en 1961 avec notamment Jean Marais. Mais ce long-métrage à grand spectacle de « propagande » nationale, outil de lutte culturel, nous apprend en fin de compte plus sur le temps de sa conception que sur celui qu’il était censé représenter.
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William Blanc est historien, spécialiste du Moyen Âge. Il est notamment l'auteur de Le Roi Arthur, un mythe contemporain, paru aux éditions Libertalia.
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Pour en savoir plus :
François Amy de la Bretèque, L’imaginaire médiéval dans le cinéma occidental, Paris, Honoré Champion, 2004
William Blanc, « Le Miracle des Loups. Carcassonne contre Hollywood », in: Histoire et Images médiévales, n° 57, 2014. p. 14-16
Eric Bonnefille, Raymond Bernard, Fresques et Miniatures, Paris, L’Harmattan, 2010.