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Si les journaux anciens, aujourd’hui numérisés et indexés, sont devenus incontournables pour retracer le parcours d’une personne, ils n’en sont pas moins intéressants pour reconstituer l’histoire d’un lieu. Car celui-ci s’éveille et s’anime sous nos yeux, à la lumière des événements qui s’y produisent et des récits qui les immortalisent.
L’ancien Hôtel de la Coquille est un bâtiment intemporel de Bourges. Situé au 6 avenue Marx Dormoy, autrefois connue sous le nom d’avenue nationale à la fin du XIXe siècle, et encore précédemment sous le nom de rue Saint-Privé, cet hôtel est attesté à Bourges dès 1648. Nous l’avons constaté dans l’article précédent : la presse ancienne nous a offert l’opportunité extraordinaire de dresser son historique sur plus de cent ans, de 1835 à 1944, au fil des annonces légales et des changements de propriétaires.
Mais ce n’est pas tout ! L’Hôtel de la Coquille est cité plus de deux cent fois dans les journaux locaux de l’époque. Chaque récit constitue une occasion unique de revivre les moments clés de cet hôtel à travers le regard de leurs contemporains, d’investir les lieux et de s’en imprégner. Chaque article immortalise une scène de vie, dont l’hôtel est le théâtre et dont nous sommes les spectateurs privilégiés. Autant de récits qui, mis bout à bout, nous permettent de reconstituer le cours des événements survenus dans l’Hôtel de la Coquille. Suivez le guide et embarquez pour un surprenant voyage à travers le temps.
En 1856, la crue de la rivière voisine, la Voiselle, est telle qu’elle inonde non seulement tout le quai Saint-Quentin, mais aussi le faubourg Saint-Privé, jusqu’à l’Hôtel de la Coquille, comme l’atteste un article paru dans le Journal du Cher du 7 avril 1897. Mais son ampleur n’a rien de comparable avec les crues de 1910, si célèbres pour leurs répercussions à Paris. Cet extrait du Journal du Cher du 23 janvier 1910 nous relate ainsi les événements et précise, par la même occasion, la localisation de l’hôtel :
Autre époque, autre élément. Un incident qui aurait pu dégénérer en incendie. La Dépêche du Berry du 8 septembre 1929 nous alerte en effet d’un commencement d’incendie, heureusement sans dégât, à l’Hôtel de la Coquille.
Le 24 décembre 1877, le nommé Chattard ou Richard selon les journaux (Le Courrier du Berry et le Journal du Cher), décède subitement, dans la nuit, à l’hôtel de la Coquille. Cet employé de M. Guétony, entrepreneur de travaux, avait-il fêté excessivement l’arrivée de Noël ? Difficile de l’affirmer…
Les nombreuses annonces parues dans la presse au fil des décennies ne laissent planer aucun doute : l’Hôtel de la Coquille constitue un lieu de rencontre privilégié entre vendeurs et acheteurs en tous genres. Chiens d’arrêt, vaches bretonnes, chevaux anglais, ânes, calèches, roulottes, voitures, maisons… Tout y passe sans distinction au gré des affaires et opportunités.
Aussi découvrons-nous dans le Courrier de Bourges des 9 et 21 août 1867 l’annonce suivante : « A vendre une calèche à quatre roues, suspendue, sièges devant et derrière. S’adresser Hôtel de la Coquille. »
Le Journal du Cher du 23 août 1889 publie quant à lui cet « avis au public » : « M. Ravaud marchand de chevaux, arrivera à Bourges le 23 août avec un convoi de jolis petits chevaux de tous âges. Il séjournera à l’hôtel de la Coquille, avenue Nationale. »
Armistice oblige, divers avis paraissent en mars et avril 1919 dans La Dépêche du Berry et le Journal du Cher afin d’écouler un « lot de chevaux anglais provenant des armées démobilisées ».
Si l’Hôtel de la Coquille s’apparente par moment à une foire d’animaux de toutes espèces, il en est aussi régulièrement la fourrière. Une brève du 10 août 1880 du Journal du Cher informe ainsi ses lecteurs :
« EPAVES. – Un bœuf, trouvé errant sur la voie publique par le sieur Potier, jardinier, rue Saint-Bonnet, a été mis en fourrière à l’hôtel de la Coquille, où il pourra être réclamé par son propriétaire. »
Animaux égarés y sont ainsi régulièrement déposés : « une jument paraissant âgée » le 25 juillet 1896 (avis paru dans la Démocratie de Bourges), « un âne gris cendre » le 21 septembre 1911 (La Dépêche du Berry), « deux génisses » errantes le 20 juin 1929 (La Dépêche du Berry).
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La presse locale, au travers de multiples annonces parues entre 1870 et 1903, nous permet d’observer l’essor des « voitures publiques » et des « messageries » destinées à mutualiser les transports de personnes, de colis ou de courrier, à une époque où les déplacements restaient rares et coûteux. L’Hôtel de la Coquille, lieu de passage et d’échanges, paraît alors tout désigné comme point de départ ou d’arrivée de divers trajets : Bourges – Sancerre, Bourges – Les Aix – Henrichemont, Bourges – Dun-sur-Auron, Bourges – La-Charité-sur-Loire. Preuve en est cet extrait du Journal du Cher du 29 septembre 1870 :
Ou encore cet avis du 24 juin 1903, publié dans le Journal du Cher :
« AVIS
M. Dampierre informe les
Commerçants de Bourges qu’à
partir de ce jour, il fera la mes-
sagerie de Bourges à La Charité,
une fois par semaine. Le jour de
départ sera le vendredi. Remet-
tre les commissions à l’hôtel de
la Coquille. »
Au-delà des activités précédentes, quelque peu surprenantes mais néanmoins secondaires, l’Hôtel de la Coquille est avant tout un lieu de passage, de rencontres et de festivités. Verres de l’amitié et banquets s’y succèdent, dont certains quelque peu cocasses comme ce « punch » en l’honneur d’un faux docteur fraîchement sorti de prison, décrit dans le Journal du Cher du 11 janvier 1883.
Le 23 février 1913, l’élection de la Reine du Marché-Couvert, organisée par le Comité des Fêtes de Saint-Bonnet a lieu à l’Hôtel de la Coquille, dans la salle Bouquet, du nom du propriétaire de l’hôtel. La Dépêche du Berry du 27 février 1913 nous relate l’événement :
« Dimanche dernier, la salle de l’Hôtel de la Coquille était bien trop petite pour contenir la foule enthousiaste des jeunes filles du quartier pour élire la Reine du Marché-Couvert et ses deux demoiselles d’honneur. A l’instar des suffragettes d’Outre-Manche, les charmantes électrices enjuponnées égayaient, par leur gentil babil joyeux, ce premier pas sur le grand droit de vote. […] Une sauterie terminait cette petite fête et ce n’est que fort tard dans la nuit que l’on se séparait en se donnant rendez-vous pour le 30 mars. »
Si la Grande Guerre interrompt momentanément les festivités, elles reprennent de plus belle à l’automne 1919. Le 1er novembre 1919 marque en effet l’ouverture du grand bal « avec brillant orchestre » qui a lieu tous les samedis de 20h30 à 23h30, les dimanches de 15h à 19h30 et de 20h30 à 23h30. Le programme diffusé dans La Dépêche du Berry du 1er novembre 1919 se veut attractif.
Dès le printemps 1920, l’Hôtel de la Coquille organise des séances de cinéma en plein air ou dans la salle de bal moyennant la modique somme de 0,75 francs la place. Toutefois, ces fêtes données en grande pompe semblent disparaître deux ans plus tard, fin 1921, peut-être à la suite de difficultés financières. En effet, on constate, par divers avis, que le propriétaire de l’hôtel procède à plusieurs ventes de mobilier successives.
Hélas, festivités et abus d’alcool vont souvent de pair… ce qui déclenche régulièrement des rixes dont la presse se fait volontiers l’écho. Telle cette nouvelle du 3 mai 1929 parue dans La Dépêche du Berry :
Deux ans plus tôt, une brève du Journal du Cher du 10 janvier 1927 nous conte :
« Samedi, à 20h30, Mme veuve Marchal, tenancière de l'hôtel de la Coquille, 6, avenue Nationale, a fait appel à la police pour expulser de son établissement un individu qui causait du scandale et avait cassé un carreau, estimé 15 fr., gratifié d'un procès-verbal pour ivresse, l'individu a été emmené au violon. »
La Dépêche du Berry du 10 mars 1934 évoque une autre altercation via un article intitulé « Un soir, à la Coquille » :
« Certain soir, à l'Hôtel de la Coquille, avenue Nationale, à Bourges, le Polonais Wozniak Jean, 28 ans, pensionnaire de cet établissement, dans un mouvement d'humeur dicté par de trop copieuses libations, s'en prit à un autre habitué de l'établissement Van Cennebroeck Yvon, 53 ans, qu'il voulut sortir. Les deux hommes se bousculèrent. Se frappèrent-ils ? Il le nient. La patronne du débit, Mme. Grabias, née Bez Henriette, 41 ans, tenta de les séparer, usant de toute son influence qui paraît sérieuse, tout au moins sur l'un des deux hommes. Cette scène vint aux oreilles de la police et la conséquence fut la comparution de Van Cennebroeck, Wozniak et Mme Grabias devant le Tribunal correctionnel de Bourges qui, le 25 janvier, les condamna tous trois à 25 fr. d'amende. Mme Grabias a fait appel. Il y a appel à minima contre les autres. Après plaidoirie de Me Malfuson pour Mme Grabias et Wozniak et Me Pelletier pour Van Cennebroeck, la Cour prononce l'acquittement de la débitante et confirme la peine concernant les deux hommes. »
On s’aperçoit à la lecture de ces journaux d’époque que les altercations entre pensionnaires polonais de l’hôtel ne sont pas rares et virent parfois au violent règlement de compte, comme le 12 avril 1926 dans La Dépêche du Berry, ou encore le 17 janvier 1927 dans le Journal du Cher.
Fait-il bon loger à l’Hôtel de la Coquille ? La question mérite d’être posée au vu des diverses rixes évoquées mais aussi des multiples vols qui s’y commettent.
Citons notamment celui du 30 août 1887 dont l’enquête peut être reconstituée grâce aux articles de journaux successifs. Un « audacieux filou » dérobe à l’Hôtel de la Coquille la somme de quinze francs (cf. le Journal du Cher). Un suspect est appréhendé dès le lendemain mais relâché grâce à un alibi (Journal du Cher du 31 août 1887). Le véritable coupable, Georges Richin, âgé de 18 ans, n’est arrêté que le 9 octobre à la suite d’un autre vol, comme nous le révèlent le Journal du Cher du 9 octobre 1887 et La Démocratie du Cher du 11 octobre 1887.
Il est condamné à 15 jours de prison le 19 octobre 1887 comme l’annoncent le Journal du Cher du 20 octobre 1887 et La Démocratie du Cher du 22 octobre 1887.
Le 28 septembre 1932, l’Hôtel de la Coquille est le théâtre d’un vol particulièrement audacieux : la somme de 50 000 francs est dérobée par le garçon d’hôtel ! Les journaux de l’époque, que ce soit La Dépêche du Berry, l’Excelsior ou l’Action française titrent respectivement le 29 septembre 1932 : « Cambriolage dans un hôtel, cinquante mille francs disparaissent », « Un garçon d’hôtel portugais vole 50 000 francs à sa patronne et disparaît » « Bourges – Un garçon de café voleur ».
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Un établissement peu fréquentable, disions-nous ? Pour sûr, il s’avère mal fréquenté à plusieurs occasions. Divers escrocs en tous genres, généralement itinérants, se succèdent en effet à l’Hôtel de la Coquille : du « voyageur de commerce » ou de « l’élégant gentilhomme » qui oublient négligemment de régler leurs notes (La Démocratie du Cher du 18 juin 1882, le Journal du Cher et La Démocratie du Cher du 12 juin 1890) au voleur de voiture (La Dépêche du Berry du 8 février 1939) en passant par des pickpockets (La Dépêche du Berry du 24 novembre 1918), un receleur (La Démocratie du Cher du 30 avril 1891), une marchande de tissus malhonnête (La Dépêche du Berry du 9 septembre 1943) ou encore des faux-monnayeurs en 1890 !
Plusieurs numéros de journaux relatent avec force détails cette affaire de faux-monnayage, tant au moment de l’arrestation des escrocs (La Démocratie du Cher et le Journal du Cher du 28 février 1890, La Démocratie du Cher du 2 mars 1890) que lors de leur accusation (La Démocratie du Cher et le Journal du Cher du 18 juillet 1890).
Et par-dessus tout, que penser d’un établissement dont même le patron se révèle malhonnête ? Le propriétaire de l’Hôtel de la Coquille, Joseph Sirot, se retrouve en effet embarqué en 1942 – quelque peu stupidement – dans une affaire de trafic de fausses cartes de pain, à une époque où guerre et rationnement vont de pair. La Dépêche du Berry du 24 janvier 1942 titre en effet : « Importante affaire de trafic de fausses cartes de pain » :
C’est à la suite de son inculpation que M. Sirot revend l’hôtel en décembre 1942 à Gisèle Ravizé et l’oncle D’Hose, ceux-là même qui ont déclenché mon enquête sur cet hôtel. La boucle est bouclée.
Ces extraits de journaux sont, me semble-t-il, révélateurs à plus d’un titre des apports de la presse ancienne pour la reconstitution de l’histoire d’un lieu. Car l’Hôtel de la Coquille s’anime progressivement à la lumière des récits et des articles de presse. Festivités et rixes, départs et arrivées, vols et ventes, drames et trafics s’y succèdent sans transition. Tour à tour repaire de brigands, salle de bal, lieu de passage de voyageurs de tous horizons, fourrière d’animaux, bureau de poste, salle des ventes, station de bus, cible de voleurs et d’escrocs en tous genres, théâtre de drames malheureux, mais toujours lieu de vie, de rencontres et d’échanges, l’Hôtel de la Coquille nous apparaît, au fil des ans, dans toute sa richesse et sa complexité grâce à la presse ancienne.
Il ne tient qu’à vous d’entamer la même démarche et de redonner les couleurs de la vie à vos lieux favoris grâce à RetroNews !
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Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiques, Retrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.