Si, en cette année 1933, la presse française s’intéresse tant aux stérilisations eugénistes, c’est parce que la question est d’une brûlante actualité.
En juin, à l’issue du « congrès international de biologie criminelle »à Hambourg, le nouveau régime à la tête de l’Allemagne depuis quelques mois annonce qu’il va adopter une première loi eugénique destinée à « purifier la race ».
Comme l’écrivait alors L’Écho d’Alger, la « folie raciale » des nouveaux maîtres du Reich était de notoriété publique. Un sinistre « Institut de Recherches raciales » rattaché au ministère de l'Intérieur avait été créé, séparant désormais les Allemands en deux groupes étanches : les Aryens et les autres, métèques, inaptes ou asociaux.
Associés à l’argument raciste, les avantages économiques de la loi étaient vantés. Frick, le ministre de l’Intérieur du Reich présentait le coût supporté par la société allemande, dans un discours que L’Œuvre retranscrivait pour ses lecteurs :
« Le peuple est écrasé d'impôts pour entretenir des descendants d'incurables, d'inassimilables, de crétins.
Voici ce que coûtent, par jour, un aliéné : 24 [francs], un criminel : 21, un sourd-muet : 30 à 35 fr. Pendant ce temps, un ouvrier ordinaire, gagne 15 fr., un employé 22, un fonctionnaire moyen : 24 fr. par jour.
Cette mansuétude pour les incurables va tuer le goût du travail chez les bien-portants. C'est de la cruauté envers ceux-ci et on va à l'écroulement de tout notre système social. Il nous faut une législation supprimant la procréation d'indésirables enfants de ratés qui nous sont une charge et aussi un danger. »
Selon L’Homme Libre, reprenant les déclarations d’un médecin nazi : l’Allemagne s’offrait également de faire stériliser « les gens de race étrangère qui habitent en Allemagne » afin « d’éviter le plus possible de laisser le sang de race étrangère s'infiltrer dans l'organisme de notre peuple », ce qui constitue la 7e catégorie de personnes à stériliser :
« 1. les imbéciles ; 2. les aliénés ; 3. les épileptiques ; 4. les criminels sociaux ; 5. les sourds et muets ; 6. les infirmes ; 7. les gens de race étrangère. »
Le 1er juillet 1933, la loi allemande sur la race est votée.
La stérilisation obligatoire sera donc appliquée au 1er janvier 1934. Marianne revient sur les termes de la loi, dont son terrible Article XII :
« XII. Quand le tribunal a décidé la stérilisation, elle est réalisée en dépit de l'opposition de l'individu, sauf si c'est lui qui l'a sollicitée. Le médecin chargé de faire exécuter la décision du tribunal a le droit de recourir aux forces de police en cas de résistance de l'individu. »