Écho de presse

La mort en grande pompe de Félix Faure

le 15/02/2024 par Pierre Ancery
le 11/05/2016 par Pierre Ancery - modifié le 15/02/2024
Félix Faure, dessiné par Louis Lemercier de Neuville, circa années 1890 - source : Gallica-BnF

On ne compte plus les scandales sexuels qui, dans l'histoire, ont émaillé la vie politique française. Le plus célèbre fut peut-être celui qui entoura la mort de Félix Faure en 1899.

On a dit de lui qu'il était plus célèbre par sa mort que par sa vie. C'est sans doute vrai : Félix Faure, républicain modéré élu président de la République en 1895, n'est pas vraiment resté dans l'histoire pour son bilan, assez mince. En revanche, lorsqu'il meurt le 16 février 1899 à l'âge de 58 ans, la presse fait grand bruit des circonstances de son décès, qui seront encore discutées longtemps après.

 

La version officielle, reprise par les journaux, est d'abord très sage : Faure serait mort d'une attaque dans son bureau, en présence de sa famille. L’Écho de Paris du 18 février décrit ainsi ses derniers instants :

 

« Pourtant, comme il ne se produisait pas d'amélioration sensible, on manda par téléphone le docteur Cheurlot, médecin de la famille, et le docteur Lannelongue. Ceux-ci se firent adjoindre aussitôt le docteur Bergeron. Les médecins appliquèrent des révulsifs, des sinapismes, mais en vain.

 

Le malade déclinait rapidement tout en conservant sa connaissance. Toutefois la situation ne fut estimée grave qu'assez tard, puisque Mme Félix Faure et Mlle Lucie Faure ne furent averties et ne descendirent qu'à huit heures.

 

Le président les reconnut, leur parla avec beaucoup de tendresse ; mais, au bout de peu d'instants, sa langue s'embarrassa, sa respiration devint entre coupée, il perdit le sens des choses qui l'environnaient. À dix heures précises, il expira, emporté par un épanchement au cerveau.

 

Il n'avait pas quitté le canapé sur lequel il s'était affalé tout d'abord dans son bureau. »

 

En réalité, le défunt se trouvait en compagnie de sa maîtresse Marguerite Steinheil, une demi-mondaine qu'il avait rencontrée deux ans plus tôt à Chamonix et qui le rejoignait régulièrement au « salon bleu » du palais de l’Élysée. Afin de ne pas démériter auprès de celle-ci, Faure avait ingéré un puissant aphrodisiaque, qui fut très probablement cause de sa mort.

 

Très vite, dans tout le pays, les rumeurs et les plaisanteries allèrent bon train. On raconta que le jour du décès, l’abbé Renault mandé par l’Élysée demanda : « Le président a-t-il toujours sa connaissance ? »
Un domestique répondit : « Non, elle est sortie par l'escalier de service. » Puis on affirma que le président était mort des suites d'une fellation prodiguée par sa maîtresse. Ce qui permit aux chansonniers de l'époque de dire : « Il avait voulu être César, il ne fut que Pompée ». Marguerite Steinheil, qui fut plus tard mêlée à une sombre affaire judiciaire, fut quant à elle surnommée « la Pompe funèbre ». Enfin Clemenceau, qui méprisait Faure, eut cette charmante épitaphe : « En entrant dans le néant, il a dû se sentir chez lui. »