La chute de Robespierre dans la presse
Le 9 Thermidor an II, Robespierre est arrêté. Pour ses opposants, l'Incorruptible s'est mué en tyran. La Convention le fait guillotiner le 10 Thermidor, aux côtés de Saint-Just, Couthon, Hanriot, Payan... La presse parisienne, foisonnante depuis le début de la Révolution, ne couvre pas l'événement.
Dans les jours qui suivent la mort de celui qui deviendra l'incarnation de la Terreur, le silence prudent de la presse laisse place aux récits, dévoilant les complots, relayant les accusations contre les robespierristes, fabriquant ce qui deviendra un symbole de libération de la presse. Le Cri des victimes de la tyrannie, Le Patriote révolutionnaire, Insurrection en faveur des droits du peuple souverain, mais aussi Journal de la liberté de la presse de Gracchus Babeuf, autant de titres qui paraissent et s'attachent à clore - et à dénoncer - la séquence historique précédente.
Comme l'écrit Jean-Clément Martin sur cette couverture par la presse de la chute de Robespierre, « vrai et faux se mêlèrent si bien qu’il demeure toujours impossible de faire un bilan des noyades et que la confiance dans les publications ne peut que demeurer incertaine. C'est donc avec ces précautions qu’il faut aborder les témoignages de ce moment particulièrement chahuté. Ces sources demeurent indispensables ; elles rendent compte de ce qui fut vécu, si l’on veut bien les mettre dans cette perspective ».
Revue de presse de quelques publications conservées à la Bibliothèque nationale de France.
Bulletin des armées du Nord, de Sambre et Meuse - N° 558 - 14 Thermidor 1794. Retranscription de la séance de la Convention nationale du 13 Thermidor, où David, accusé, doit se défendre de son soutien à Robespierre :
« David entre dans la salle, on demande qu'il soit entendu. Je ne connais pas, dit-il, les dénonciations qui sont faites contre moi. [...] Goupilleau interpèle David de déclarer si, après que Robespierre eu prononcé ses discours ou plutôt ses actes d'accusations, il n'a pas été l'embrasser en descendant de la tribune et s'il ne lui a pas dit »: si tu bois la ciguë, je la boirai avec toi. »
Source : Gallica-BnF
Le Patriote révolutionnaire - N°1 - Fructidor 1794 - Journal signé Gilliberd :
« Je ne suis point orateur, je suis un patriote ferme et zélé, abhorrant le sang, et implacable contre les ennemis du Peuple [...]. La Convention a toujours été inébranlable, elle a déjoué les ruses et leurs menées [...], sa fermeté s'est déployée pour terrasser ces anthropophages et ne faire que le bien public. Les Lafayette, Brissot, Dumouriez, Hébert, Danton et Robespierre, ont été les victimes de leurs propres forfaits. »
Et de décrire la suite de la Révolution en ces termes :
« Nous avons un alphabet, suivons-le jusqu'à la fin. »
Source : Gallica-BnF
Le Cri des victimes de la tyrannie - N°1 - Fructidor 1794 - Journal signé Boulay. Cette publication est symptomatique de ce « cri » de libération qui semble suivre Thermidor et que l'on retrouve dans d'autres publications aux titres évocateurs, comme Journal des amis de la paix ou Insurrection en faveur des droits du peuple souverain :
« Depuis l'époque à jamais mémorable du 9 Thermidor, les amis de l'ordre et de la paix ont commencé à respirer. La terreur qui comprimait toutes les âmes, a fait place à la douce espérance. Le vaisseau de la Liberté, échappé aux écueils de l'anarchie, aux brisants du despotisme, parait enfin voguer à pleine voile vers le port. Les lois, l'humanité, la justice, trop longtemps exilées de cette terre, y seront désormais respectées. »
Journal de la liberté de la presse - N°1 - 17 Fructidor - Signé par Gracchus Babeuf. Gracchus Babeuf livre dans ces lignes un portrait double de Robespierre et un plaidoyer unique pour la continuation de l'œuvre révolutionnaire liée à la liberté de la presse. Le journal change de titre dès le 5 octobre 1794 devenant Le Tribun du peuple, ou le Défenseur des droits de l’homme :
« J'ouvre ma tribune pour plaider les droits de la liberté de la presse. Je fixe un point pour lui rallier un bataillon de défenseurs. [...] Robespierre, dont la mémoire est aujourd'hui si justement abhorrée, Robespierre dans lequel il semble qu'on doive distinguer deux personnes, c'est-à-dire Robespierre sincèrement patriote et ami des principes de 1793, et Robespierre ambitieux, tyran et le plus profond des scélérats depuis cette époque ; ce Robespierre, dis-je, alors qu'il fut citoyen, est peut-être la meilleure source où il faille chercher les grandes vérités et les fortes preuves des droits à la presse. C'est avec les armes qu'il a laissées que je commencerai le combat de sophismes contre les raisonneurs du jour. »
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En partenariat avec L'Histoire, retrouvez une sélection d'archives de presse issues des collections de la BnF sur la chute de Robespierre, le 9 Thermidor 1794.