Les émeutes des « ligues » d'extrême droite de février 1934
Le 6 février 1934, les manifestations dégénèrent à quelques pas de l'Assemblée nationale. L'événement ouvre la voie à un débat national sur la dissolution des ligues fascistes françaises.
Dans les années 1930, la crise économique, sociale et politique qui secoue l’Europe, s’accompagne d’une montée des groupes fascistes et, en France, de ligues souvent composées de milices paramilitaires - la Croix de Feu, la Ligue d’Action française, le Parti Franciste, les Camelots du roi... - à l'origine d'actions violentes menées dans toute la France.
Le 6 février 1934, les ligues nationalistes appellent à manifester dans toute la France. Le nouveau gouvernement, présidé par Edouard Daladier, doit être présenté à l’Assemblée. Or Daladier a limogé le préfet de police Jean Chiappe, réputé proche des ligues d’extrême-droite, ce qui provoque la fureur de celles-ci.
« La soirée d'aujourd'hui promet d'être mouvementée. De nombreux groupements ont décidé de manifester entre 18 et 20 heures aux abords de l'Hôtel-de-Villc, de la Chambre des Députés, de la Place Beauvau et un peu partout dans Paris. Les fédérations et ligues qui ont convoqué leurs membres ont prévu des lieux de ralliement, des itinéraires spéciaux, des points de dislocations ; il ne s'agit point d'improvisations rapides, et ces manifestations se dérouleront avec toute l'ampleur nécessaire. [...]
La Ligue des Jeunesses patriotes a fait afficher et distribuer, sous forme de tracts, un appel au peuple de Paris l'invitant à manifester ce soir à 19 heures, place de l'Hôtel-de-Ville. Le dessein des Jeunesses patriotes est d'aller ensuite, conduites par les élus de Paris “crier au Parlement la volonté du pays”. »
Les manifestations dégénèrent en émeutes à quelques pas de l'Assemblée nationale, faisant quinze morts. « Une soirée d'émeutes à Paris », titre Le Journal.
« Après les voleurs, les assassins ! », titre le journal nationaliste L'Action française.
« Pour défendre les pourris, le bandit Frot et le franc-maçon Bonnefoy-Sibour ont fait mitrailler la foule indignée qui venait au tour du Palais-Bourbon clamer son indignation, exiger la justice et la démission d'un régime qui s'enfonce dans la boue et dans le sang.
Les plus formidables forces de police qu'on ait jamais vues étaient debout, armées pour la garde d'une bande de scélérats, dressées, excitées contre un peuple généreux qui ne veut pas subir une immonde dictature. »
« Paris ouvrier a riposté », titre de son côté L'Humanité, qui appelle à un « front unique immédiat pour l'action » :
« A l'appel de notre Parti, à l'appel des organisations révolutionnaires, dirigés par nos militants, avec une ardeur magnifique, les prolétaires ont manifesté et tenu la rue.
Dans les conditions les plus difficiles, assaillis de tous côtés, ils ont tenu tête, riposté vigoureusement et très souvent passé à la contre-attaque. »
Le quotidien communiste rapporte :
« Un conseil de cabinet tenu dans la soirée, a décidé d'ouvrir une instruction pour complot contre la sûreté de l'Etat, provocation au meurtre, coups et blessures et incendie.
D'autre part, on annonce que le Parquet ouvre une information contre Maurras, de l'Action Française, pour excitation au meurtre. »
Face au danger fasciste représenté par les ligues, les radicaux, socialistes et communistes se rassemblent pour réclamer la dissolution des ligues fascistes et défilent ensemble les 9 et 12 février.
Le Front populaire s'attaquera dès 1936 à la dissolution de toutes les ligues fascistes en France.